Si l’activité économique se poursuit un peu partout sur le Continent, les organisations commencent à prendre le pouls de la pandémie du COVID-19, au gré de l’évolution de la situation sanitaire et des mesures prises par les gouvernements. Alors qu’organisations internationales et entreprises modifient progressivement leur façon de travailler, la santé physique et «sociale» des ressources humaines s’érige en défi économique.
Au Burkina Faso, où le décès de la vice-présidente l’Assemblée nationale marquait mercredi 18 mars, le premier en Afrique subsaharienne des suites de coronavirus, l’Agence de coopération allemande (GIZ) était la veille déjà, l’une des premières organisations à décider du télétravail pour l’ensemble de ses collaborateurs, apprend La Tribune Afrique. Cette décision anticipée était motivée d’abord par la propagation plus ou moins rapide du virus dans le pays, mais surtout, d’après une source interne, après qu’une collaboratrice à Ouagadougou ait signalé avoir été en contact avec de potentiels porteurs du COVID-19.
« Le décès enregistré donne raison aux précautions prises »
Sans confirmer, ni infirmer cette information, la GIZ dit avoir pris des dispositions applicables à ses 120 représentations à travers le monde. « Lorsque le coronavirus a commencé à se propager dans le monde entier, la GIZ a introduit des mesures pour protéger la santé de ses employés et soutenir les systèmes de santé locaux. Ces mesures consistent notamment à rendre le télétravail possible », nous déclare Corinna Kuhs depuis le siège de l’organisation à Eschborn.
La mesure est également prise à l’Agence de coopération luxembourgeoise qui s’est mise au télétravail, selon nos informations. Pour toutes ces organisations, seule une poignée d’agents peuvent se rendre « en cas de force majeure » dans les bureaux. « La maladie se propage rapidement ici [au Burkina, NDLR], nous sommes donc obligés de travailler depuis chez nous pour éviter tout risque. Et le cas de décès enregistré donne raison aux précautions prises », nous explique une personnalité du milieu. A noter que deux ministres burkinabè se sont déjà signalés positifs au COVID-19.
Institutions panafricaines et entreprises s’y mettent
Depuis la semaine dernière, suite au durcissement des mesures anti-coronavirus par les gouvernements africains, la majorité des organisations internationales (PNUD, l’Union européenne, …) ont pris des dispositions pour éviter la propagation du virus au sein de leurs bureaux régionaux. Les grandes institutions panafricaines, à l’instar de la Banque africaine de développement (BAD) basée à Abidjan et la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) basée au Caire, sont passées au télétravail et aux video-conférences, suspendant tous les déplacements internationaux.
Les multinationales aussi (PwC, Diageo, MTN, …) ont renforcé leurs mesures de confinement dans ce sens. La plupart ont diminué les effectifs dans les bureaux pour respecter les mesures de distanciation, recourant également au travail rotatif et au télétravail.
Gouvernements et secteur privé en concertation
Outre la santé physique des ressources humaines, leur santé sociale devient également préoccupante au cœur de cette crise sanitaire mondiale dont l’Afrique focalise désormais l’attention. D’autant que plusieurs entreprises -opérant notamment dans le pétrole, l’import-export ou le divertissement- font déjà les frais des effets néfastes de la pandémie sur le dynamisme du business. Au Gabon -où le premier décès est survenu vendredi, une réunion de crise s’est tenue le même jour entre la Confédération patronale gabonaise (CPG), le ministère de l’Economie et le ministère de l’Emploi. Mot d’ordre : « Préserver les emplois au maximum et recourir au travail en rotation, au temps partiel et au télétravail ».
Au nord du Continent, le Maroc et la Tunisie ont été les premiers à décider du confinement de la population, auquel s’est conformée tout de suite la majorité des entreprises. Selon le cabinet royal marocain, le fonds de 3 milliards d’euros lancé pour lutter contre le COVID-19 -notamment alimenté par plusieurs entreprises-servira non seulement à appuyer les secteurs économiques les plus touchés, mais aussi à la « préservation des emplois et l’atténuation des répercussions sociales » de la pandémie.
Au Rwanda, le comité chargé de surveiller l’impact du coronavirus sur l’économie a entre autres pour mission de prendre des mesures qui garantiraient la continuité des entreprises et la préservation des emplois. En Côte d’Ivoire, les concertations se poursuivent entre le patronat et le gouvernement pour appuyer les entreprises afin de les aider à maintenir autant que possible les emplois.
En Afrique du Sud, le gouvernement travaille avec le secteur privé à l’élaboration d’un pacte social afin d’étendre les congés de maladie payés aux travailleurs et de couvrir sur une période allant jusqu’à trois mois les travailleurs ayant contracté le coronavirus sur leur lieu de service.
Le recul de la croissance fera reculer l’emploi
Dans une fraîche étude d’impact du COVID-19 sur l’économie, l’Organisation mondiale du travail (OMT) privilégie ces pistes de réflexion commune, estimant que cela « joue un rôle crucial dans l’élaboration de réponses efficaces au niveau de l’entreprise, au niveau sectoriel et macroéconomique, comme en témoignent les crises économiques historiques ». D’autant que l’enjeu est important. Selon les scénarios qu’établit l’instance onusienne, un recul de la croissance du PIB mondial de 2% induirait environ 5,3 millions de pertes d’emplois à travers la planète. Mais en cas extrême de fléchissement de la croissance mondiale de 8%, prévoit l’OMT, les pertes d’emplois pourraient atteindre les 25 millions. « Des canaux de communication confirmés et un dialogue continu avec le gouvernement sont essentiels pour permettre aux organisations de travailleurs et d’employeurs de gérer la restructuration des entreprises de manière durable et de préserver les emplois », estiment les auteurs du rapport.
En ce temps de « guerre » sanitaire, pour emprunter les mots du président français Emmanuel Macron, les entreprises ont surtout besoin de moyens financiers pour faire face à la crise. C’est dans ce sens que la Banque centrale nigériane s’engage à débloquer 136 millions de dollars sous forme de prêts aux PME, aux prestataires de transport aérien et aux hôteliers entre autres. Sous d’autres cieux, les TPE répètent sans cesse les appels de détresse.
Source: La Tribune Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée