La conférence virtuelle organisée ce 19 mars par Vera Songwe, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) depuis Addis-Abeba a réuni plusieurs ministres des Finances africains. L’heure est à la prévention, mais aussi à l’évaluation de l’impact économique du Covid-19 qui pourrait faire chuter la croissance africaine à 1,8 %.
La Commission économique pour l’Afrique (CEA) appréhende l’impact du coronavirus sur les économies africaines, en passe de compromettre sérieusement la croissance déjà atone du continent. Les pays exportateurs de pétrole perdent actuellement 65 milliards de dollars de revenus selon la CEA, tandis que les prix du baril continuent de chuter pour atteindre 22 dollars d’après le WTI (19/3/2020), soit la plus forte baisse enregistrée depuis 2002. Les recettes pétrolières nigérianes sont en chute libre et passeraient de 14 milliards de dollars à 19 milliards en 2020, toujours selon les estimations de la CEA. Parallèlement, les mesures pour limiter l’impact du Covid-19 pourraient coûter jusqu’à 3 % de PIB aux économies africaines.
A l’occasion de la conférence de presse du 13 mars dernier, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique déclarait que le continent « pourrait perdre la moitié de son PIB (en 2020) avec une croissance qui passerait de 3,2 % à 1,8 % en raison d’un certain nombre de facteurs, parmi lesquels la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales»,précisant par ailleurs que l’Afrique devra augmenter ses dépenses de santé de 10.6 milliards de dollars, pour endiguer la propagation du Covid-19. Ces pertes de revenus sont susceptibles générer une dette insoutenable aussi, dans une présentation des effets économiques du Covid-19 en Afrique, la CEA a appelé les gouvernements africains à revoir leurs budgets, afin de redéfinir les priorités de leurs dépenses et d’appréhender les impacts négatifs du coronavirus sur leurs économies. C’est dans ce cadre que s’est tenue la visio-conférence de presse organisée ce 19 mars par Vera Songwe depuis la capitale éthiopienne qui a rassemblé plus de 240 participants.
Entre prévention et mutualisation des efforts
Alors que l’Afrique du Sud qui comptabilise 116 cas confirmés a déclaré «l’état de catastrophe nationale», les pays encore épargnés par le Covid-19 anticipent et multiplient les mesures préventives, comme la Sierra Leone ou le Niger.
« Nous avons pris des mesures de confinement. Tous les évènements internationaux sont annulés. Depuis aujourd’hui, les deux principaux aéroports ont été fermés, pour une durée de deux semaines reconductibles. Les frontières sont fermées, tout comme les lieux publics tels que les restaurants. Demain, nous fermerons les écoles […] La psychose règne, l’activité économique est ralentie et cela pèse sur notre trésorerie […] Le gouvernement a débloqué des ressources pour un plan d’urgence sanitaire », a déclaré le ministre des Finances du Niger, soulignant la nécessité d’« une action coordonnée au niveau supranational, car la meilleure arme pour nos systèmes de santé fragiles reste la prévention ».
Il en appelle dès à présent à un « Plan Marshall sanitaire ». Outre des infrastructures médicales trop rares et souvent mal équipées, les produits pharmaceutiques sont essentiellement importés des pays eux-mêmes affectés par le Covid-19 (notamment la Chine et l’Union européenne). Or les prix des médicaments pourraient rapidement augmenter et leur disponibilité pour les Africains se réduire simultanément comme peau de chagrin.
A quelques minutes de la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire, le ministre des Finances du Togo a alerté sur l’impact économique du virus : « Nous n’avons pas encore fermé les frontières, mais nous savons que le choc sera sévère pour nous, en tant que hub logistique régional. Nous avons développé un plan d’urgence sanitaire qui représente entre 2 et 3% du PIB, que nous avons transmis au FMI […] Il serait bien d’avoir une approche coordonnée pour faire face à ce fléau mondial ».
Le Togo a suspendu toute liaison aérienne et interdit le rassemblement de plus de 100 personnes, mais aucune décision en ce début d’après-midi, n’avait été prise concernant le port de Lomé. Pour sa part, le représentant du Tchad a confirmé qu’aucun cas n’était confirmé, mais qu’un plan d’urgence avait d’ores et déjà été validé en Conseil des ministres, d’un coût de 15 milliards de francs CFA, dont 8 milliards restent à mobiliser. « L’aéroport international sera fermé ce soir, seuls les vols cargos seront autorisés et l’école sera bientôt fermée », a-t-il précisé, avant de conclure que faute d’informations suffisantes sur la persistance du virus, il était difficile de prédire l’impact économique réel du Covid-19.
Enfin, la représentante de Côte d’Ivoire a appelé à une communication plus large et disponible pour tous, y compris en langues locales, « ce qui représente un coût important dans des pays africains dotés de nombreuses langues », n’a pas manqué de souligner Véra Songwe.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée