Fayez Al Sarraj a signé, il y a trois jours, un nouvel accord militaire avec la Turquie et le Qatar, stipulant d’envoyer des experts de ces deux pays afin de restructurer la nouvelle armée libyenne.
Diverses sources affirment que les milliers de miliciens syriens pro-Ankara, déplacés ces derniers temps en Libye, obtiendraient des passeports libyens et constitueraient l’ossature de cette armée. Par ailleurs, on parle même de base navale militaire turque à Misrata. Tout cela a accéléré le déplacement à Benghazi du général Mjaouer, premier responsable des Renseignements militaires égyptiens, pour organiser la riposte avec Haftar.
Il ne suffit pas que la vie quotidienne des Libyens soit difficile, pour lui ajouter les tiraillements des puissances régionales sur des intérêts dans ce pays. Ainsi, les derniers jours ont apporté leur lot de développements, avec le nouvel accord militaire de Tripoli avec Ankara et Doha. Il s’agit de renforcer militairement Al Sarraj et Misrata, avec un apport en ressources humaines et en experts pour leur garantir de pouvoir tenir tête à Haftar.
Car, au-delà du recul de Haftar sur le terrain, le potentiel militaire de ce dernier s’est bien renforcé ces derniers mois, surtout avec l’apport des Russes sur le plan aérien. Haftar serait toujours tenté d’attaquer l’Ouest libyen et il lui serait maintenant plus facile d’arriver à ses fins, puisque les troupes de Misrata ont quitté leurs bases pour s’installer autour de Syrte et Jofra. Il suffit donc d’abattre ces bataillons pour filer directement sur Tripoli, en faisant, sur sa route, une bouchée de Misrata. Il s’agit de 400 kilomètres de terres nues de Syrte à Tripoli.
Pour s’opposer à ce risque, Turcs et Qataris ont pensé à renforcer leurs alliés en hommes et matériel. Pour les hommes, il s’agit de nationaliser Libyens les milliers de miliciens syriens, transférés récemment en Libye. Ils sont déjà parvenus à équilibrer la donne sur le terrain. Mais, il s’agit de pérenniser la situation. A l’image des armées des monarchies du Golfe, il faut fidéliser des mercenaires. En plus, une base militaire ferait place aux apports ponctuels d’armes turques.
Et ce sera à Misrata, la ville «turque» en Libye, dont se vante Erdogan. Mais, Dubaï et Le Caire ne voient pas l’histoire sous cet angle. D’où le saut rapide du général premier responsable des Renseignements militaires égyptiens. Le général Mjaouer a rappelé que les prérogatives d’Al Sarraj, émanant de l’accord de Sekhirat, ne permettent pas d’autoriser pareils accords, confortant Haftar dans ses rêves militaires. Entre-temps, les Libyens peinent. Ils n’ont même pas d’électricité.a
Vie difficile
Alors que les puissances régionales se déchirent autour de la Libye, cet été est de loin le plus difficile, depuis 2016, pour les locaux, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, sur le plan de l’alimentation électrique. Le temps d’éclairage dépasse rarement les 4 heures par jour. «La moyenne, c’est deux à trois heures d’éclairage en début de soirée.
Mais, il nous est même arrivé de rester, à deux reprises, en juin et juillet, trois jours successifs sans électricité», raconte le journaliste Mohamed Ilj, qui a peur pour l’impact sur les hôpitaux encette pandémie de Covid-19, en plus de la tenue ordinaire des services, notamment la chirurgie et la dialyse. Par ailleurs, cette crise a permis une expansion démesurée du marché des générateurs électriques. Rares sont les entreprises et les maisons qui n’en disposent pas. Mais, ce sont paradoxalement les entreprises publiques, notamment les hôpitaux, qui manquent de cet appareil, désormais essentiel, pour la survie. L’Etat ne prévoyant pas ces défaillances, pourtant quasi-généralisées.
Il a donc fallu que l’Est libyen soit touché, lui-aussi, par les pannes électriques, dont il était d’habitude épargné, pour que Haftar soit alerté et réagisse, en ordonnant de débloquer, partiellement, les ports pétroliers. «L’ordre, émanant du commandement général, se limite aux stocks de pétrole, déjà existant dans les terminaux pétroliers», explique le général Néji Maghrebi, commandant des gardes des terminaux pétroliers. «Nous sommes au service du citoyen et nous sommes disponibles à exploiter le pétrole stocké afin de produire de l’électricité pour le citoyen», ajoute-t-il. Cette décision montre clairement que l’ouverture des ports dépend directement du commandement général de l’armée, qui a répété, à plusieurs reprises depuis janvier, que ce sont les tribus qui décident du sort du pétrole.
Hafter joue la carte de la gestion des revenus du pétrole et de l’électricité pour s’attirer la sympathie de la population. Mais, tout compte fait, les dernières années ont été très difficiles pour les Libyens. L’espoir peine à s’installer en Libye.
Source: El watan/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée