L es réunions des organisations nationales, groupes parlementaires et personnalités se succèdent avec Hichem Mechichi, le ministre tunisien de l’Intérieur, nominé pour former le prochain gouvernement.
Mechichi écoute et insiste sur l’impératif de la crise socioéconomique, traversée par la Tunisie. Avant-hier, sur radio Jawhara FM, il a parlé d’entente générale sur le diagnostic économique et de la nécessité d’un compromis politique.
Les événements politiques en Tunisie, ces derniers mois, ont montré que l’unique acteur qui ose traduire, tout haut, la volonté du président de la République, Kaïs Saïed, c’est l’UGTT et son secrétaire général, Noureddine Taboubi. Ce dernier était présent à la fameuse réunion, quand Kaïs Saïed a demandé à Fakhfakh de démissionner.
Taboubi était également le seul à proposer des élections anticipées, si le gouvernement Fakhfakh ne passe pas. Aujourd’hui, le secrétaire général de la puissante centrale syndicale l’UGTT accuse les partis d’être derrière les échecs à répétition de la vie politique en Tunisie, depuis la chute de Ben Ali, un certain 14 janvier 2011. De là à dire que l’on va vers un gouvernement de technocrates, il n’y qu’un pas, que plusieurs analystes politiques ont déjà franchi.
Le politologue Slaheddine Jourchi a déjà dit et répété que «pour éviter les tensions partisanes, la Tunisie a besoin d’un gouvernement restreint de technocrates». Plusieurs autres politologues, comme Mohamed Bououd, Zied Krichen ou Bassel Torjeman, vont dans le même sens, choisi, semble-t-il, par le président Saïed. En effet, l’analyse des derniers développements sur la scène politique tunisienne montre clairement que le président Kaïs Saïed est l’acteur principal de la scène, malgré le régime plutôt parlementaire du système politique tunisien.
La chute du gouvernement de Habib Jamli, issu des élections du 6 octobre dernier, gagnées par les islamistes d’Ennahdha, a fait passer l’initiative de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à la présidence de la République, selon les termes de la Constitution. Et si c’était Ennahdha qui a désigné Jamli, puisque les islamistes avaient gagné ces législatives, c’est Saïed qui a nommé Fakhfakh, et c’est encore lui qui a nommé Mechichi. La logique de ce constitutionnaliste de Président est claire.
C’est soit ses choix à lui, le garant de la Constitution, soit le retour aux urnes, pour mettre à jour les choix populaires. Les partis ont bien compris la leçon, lorsqu’il a désigné Hichem Mechichi, le ministre de l’Intérieur, qui ne fait pas partie de la liste de personnalités, proposées par les groupes parlementaires, pour succéder à Fakhfakh. Mais toute la question, c’est de savoir ce que mijote Mechichi, et derrière lui, le président Saïed.
Concertations
Hichem Mechichi a commencé par rencontrer les présidents des principales organisations nationales, l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP et l’UNFT. Il a ensuite pris attache avec les principaux groupes parlementaires de l’ARP. Et pour s’inspirer de leur expérience, il vient de rencontrer également, hier matin, les présidents des gouvernements qui l’ont précédés, à savoir Hamadi Jebali, Ali Laareyedh, Habib Essid et Youssef Chahed. Dans l’après-midi, il a discuté avec deux anciens présidents de la République, intérimaires. Foued Mebazaa, qui a assuré la fonction présidentielle en 2011, entre la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011 et l’élection de Moncef Marzouki, le 13 décembre 2011.
Et Mohamed Ennaceur, qui a assuré l’intérim après le décès de feu Béji Caïd Essebsi, le 25 juillet 2019 et jusqu’à l’élection du président Saïed, le 13 octobre 2019. Le Dr Moncef Marzouki, basé à l’étranger, s’est excusé. Hamadi Jebali s’est réjoui de cette rencontre et a dit «avoir transmis à Mechichi l’essence de leurs expériences». Tout le monde est convaincu que la tâche ne sera pas facile.
Concernant les objectifs, il est clair que Mechichi mise sur la nécessité du sauvetage économique. Pour lui, «il s’agit, d’abord, d’arrêter la dégringolade économique. La reprise, elle, n’est pas envisagée avant deux ans».
Concernant sa ceinture politique, et à l’image des concertations et des propos du président Saïed, le jour de sa nomination, l’ère des partis serait révolue. Il chercherait donc un consensus avec eux, pour faire passer un gouvernement de technocrates et freiner la décadence économique. L’option a toujours été refusée par les islamistes d’Ennahdha. Mais, cette fois-ci, ils n’ont pas vraiment le choix, si Mechichi s’obstine. L’autre alternative sera des élections anticipées, alors que les islamistes ne sont pas au mieux de leur popularité.
Même appréciation du côté des autres partis, notamment Qalb Tounes, Ettayar ou Chaâb, qui ne sont pas favorables à des élections anticipées. L’unique formation en hausse, c’est le Parti destourien libre de Abir Moussi. Et c’est pour cela que la formation de Mechichi passera, sauf grande surprise.
Source : El watan /Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée