DEBAT : Islamophobie et intégration, une incongruité à la française

Je n’ai pas l’habitude de me prononcer sur l’actualité internationale, dans cette tribune occasionnelle que je tiens pour Afrika Stratégies France. Mais je me sens concerné par la question de l’islamophobie (que toutes les études montrent en hausse en France) et est en partie, conséquence logique de l’approche française de l’intégration. L’actualité en France avec la grande marche contre l’islamophobie interpelle aussi, même si je n’y aurais pas pris part si j’étais en métropole… Car aucune envie de défendre aucune religion, peu importe laquelle. L’islamophobie est forcément, en quelque chose, le reflet d’un agacement face à ces mahométans qui peinent à s’assimiler aux français. A boire le vin, à abandonner le voile (même s’il n’est pas vraiment un signe religieux), à manger du foie gras, à chanter la marseillaise et pourquoi pas à mettre un costume bleu et cravate rouge plutôt qu’un djelaba qui rappelle fortement un attachement à une lointaine culture arabe.

Le problème est maladroitement abordé par les politiques français, qui déconstruisent le débat en évoquant des principes et surtout, amplifié par La République en Marche Lrem de Macron qui veut arracher à l’extrême droite ses sympathisants modérés. Même si par la naturelle hypocrisie gauloise, le sujet est abordé avec une malicieuse généralisation, évoquant les signes religieux ostentatoires, il est certain qu’aucun prêtre ne sera inquiété d’apparaître dans l’espace public ou dans une école avec sa soutane. Combien de religieuses traînent encore, dans le métro, les rues et les mairies de Paris, parfois même dans des écoles (puisqu’elles en possèdent plusieurs), avec leur robe et leur voile sans que cela ne dérange personne ? Le port d’une croix chrétienne, quel qu’en soit la taille ne dérangerait personne en France. Ici, on est judéo-chrétien. L’archevêque de Paris comme la plupart des évêques de France participent, à l’Elysée comme au Parlement, à des réunions en clergyman, avec une colossale croix épiscopale au cou et une lourde chaine sans que personne ne s’en émeuve. Le problème est donc moins, un signe religieux, qu’un voile… que ce soit le hidjab, le générique du voile, le niqab qui couvre le visage,  le djilbab saoudien (mi-hidjab, mi-niqab) ou encore le tchador persan fréquent en Iran ou même la burqua qu’imposent talibans et extrémistes en Afghanistan. Déjà, le terme désigne une diversité qui embrasse plus des cultures variantes qu’un vêtement standard, religieux et islamistes.  Si les voiles sont plus culturels que cultuels, la soutane, la robe religieuse et autres croix sont elles, des signes religieux évidents et exclusifs.

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Mais le vrai problème n’est pas là. Il est ailleurs. Avec une modeste culture historique et une piteuse ouverture sur le monde, le français moyen ne se pose pas certaines questions qui vaillent tout de même la peine. Je voyage dans le monde entier, toute l’année. Je porte une forte attention aux français d’ailleurs (puisque je vis en France) et j’en rencontre tout au long de mon voyage. Combien sont-ils à s’intégrer dans les pays où ils vivent ? Il n’y a pas, en Afrique francophone en tout cas, plus communautaristes que les français. Sous les tropiques, ces gaulois qui n’y sont généralement que pour des affaires (exploitations minières ou pétrolières, coopérations militaires inappropriées avec les dictateurs, espionnages pour leurs ambassades ou dans le business, souvent favorisés par une administration locale complexée qui leur concède l’hégémonie), ne vivent qu’entre eux, fréquentent des restaurants codés, s’habillent en « bons français » sans le moindre égard pour la culture locale, mangent français et vivent, recrus sur eux et entre eux. Sans que personne, bien évidemment ne s’en émeuve. Personne ne leur demande d’abandonner les costumes occidentaux pour essayer, à l’étroit, nos tissus locaux et nulle ne s’agace de voir ces missionnaires barbus, trainer dans les villages lointains du nord de la Côte d’Ivoire, dans les forêts du Gabon dans leur soutane. Peu importe que les religieuses mettent la plus longue robe du monde, pourvu que la chaleur, caniculaire, ne les étouffe.

A supposer que le voile soit religieux, en quoi est-il gênant qu’il soit porté n’importe où, pourvu que celle qui  le porte en fasse le choix ? En faussant le diagnostic et en lui préférant des polémiques et autres outrages, la France stigmatise ses propres enfants. Je trouve, moi-même, parfois curieux et amusant, que dans certaines rues de Paris, il soit presque rare de rencontrer « un blanc » si blanc il y a encore. Mais comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Les médias français n’en parlent pas assez, et je les comprends. Ils sont possédés par des groupes libéro-impérialistes dont une petite dizaine détient 90% des grands médias. Mais comment voulez-vous, français de souche, qu’il en soit autrement ? Il y a 4 siècles, vous avez envahi des populations qui n’ont rien demandé. Vous avez massacré leurs forêts pour fabriquer vos meubles et construire vos bateaux, vous avez dispersé leurs peuplades, vous leur avez imposé votre langue (elle est magnifique d’ailleurs et je suis fier d’en être un hasardeux héritier), vous avez cassé leurs croyances, leur imposant un Dieu juif et lointain, barbu et perdu dans un ciel nuageux, vous avez détruit leurs organisations locales… Comment voulez-vous qu’incapables de s’adapter à votre rythme, à vos mœurs, à vos idéaux, qu’ils ne s’en aillent pas avant qu’une calamité climatique ne les emporte ? Comment voulez-vous qu’ils se contentent du manioc et de la patate douce alors qu’il y a deux siècles que vous leur vendez toutes vos boites de conserves, vos caisses de vins ou encore vos réserves parfois avariées de foie gras ?

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Les français sont très peu nombreux à savoir que la totalité des dictateurs francophones (Faure Gnassingbé, Denis Sassou Nguesso, Paul Biya, Idriss Déby, Alpha Condé, Ali Bongo…), sont tous soutenus par Paris qui tisse avec eux des accords de défense. De quoi peut-on défendre un despote non éclairé si ce n’est contre son peuple ?  Combien de français savent que la France a un empire monétaire de deux zones Cfa et du franc comorien ? Des monnaies coloniales imposées au XXIe siècle à 15 pays et dont la France tire une bonne partie de sa stabilité économique…

Des français ont pillé le phosphate togolais, le fer et la bauxite guinéens, le pétrole congolais et Gabonais, ils installent en Côte d’Ivoire comme au Togo le président qui leur plait, soutiennent Idriss Déby, dictateur sept étoiles qui massacre, chaque jour, un peu plus de tchadiens, vendent armes et gaz lacrymogènes à la Guinée pour réprimander les manifestations pacifiques… Comment voulez-vous qu’après tout cela, des africains ne s’amènent chez vous par tous les moyens, dès lors que vous avez détruit leur avenir sur place ? Comment évitez que des mosquées ne vous envahissent quand vous avez, sans la moindre résistance, multiplié en 2 siècles des milliers d’églises en Afrique ? Ce n’est que les conséquences logiques de vos actes, et vous n’en payez que le plus petit prix. Alors, si le chant du muezzin vous tape sur le tympan à Aubervilliers ou qu’il y ait trop de minarets dans le ciel de Marseillais, bandez vous les yeux et mettez des acoustiques aux oreilles, ce n’est sans doute que le début.

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MAX-SAVI Carmel,Afrika Strategies France

Tribune d'Afrique

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