Malgré les critiques et les marches des ONG Burkinabées et africaines contre le projet de moustiques « OGM », les moustiques génétiquement modifiés ont été libérés dans la nature.
L’Institut de recherche en sciences de la santé du Burkina Faso (IRSS) a libéré des moustiques mâles génétiquement modifiés dans la ville de Bana, dans le sud-ouest du pays le 1er juillet.
L’IRSS soutient que ce « lâché de moustique » est conforme à toutes les exigences éthiques et réglementaires et a été approuvé par les communautés des zones concernées à la suite de consultation.La libération de moustique génétiquement modifié mâle stérile auto-limitatif – une première du genre en Afrique – fait partie d’un projet financé par l’initiative Target Malaria, un consortium de recherche dirigé par l’Imperial College de Londres.
Selon le projet Target Malaria, la libération de ces moustiques approuvée par l’Agence Nationale de Biosécurité du Burkina Faso ne vise pas à réduire dans l’immédiat l’incidence du paludisme.Cette opération permettra de recueillir d’importantes données pour faire avancer la recherche.Il existe au bas mot 3.500 espèces de moustique sur la surface de la terre dont 670 environ pour la région Afrique.
L’initiative de Target Malaria au Burkina Faso ne cible que les espèces majeures identifiées dans la transmission et la propagation du paludisme qui sont Anopheles gambiae, Anopheles coluzzi et Anopheles arabiensis.
« Notre objectif à ce niveau de la recherche n’est pas d’éliminer de la surface de la terre ces espèces de moustiques vecteurs du paludisme : nous ne sommes même pas encore à cette étape » tient à préciser Dr Diabaté Abdoulaye, entomologiste médical senior et chercheur à l’IRSS à Bobo Dioulasso.
Bien que la libération de ces moustiques a été approuvée par l’agence de biosécurité du pays, des ONG et des activistes de la protection de l’environnement ont exprimé de grandes inquiétudes sur la base de l’histoire récente du pays.
Le Burkina Faso, terre des OGM ?
En Afrique, le Burkina Faso est connu pour être le pays qui a enregistré l’un des plus gros raté dans l’expérimentation et l’utilisation à grande échelle des OGM.
Pour mémoire, le pays a expérimenté l’utilisation des semences de Coton Bt de la firme américaine Mosanto.Les cotonniers Bt – cultivars de cotonnier de l’espèce Gossypium hirsutum – ont été modifiés génétiquement.
Un gène leur conférant la capacité de produire un insecticide avait été ajouté en laboratoire.
Le résultat de cette expérience a été présenté comme une solution miracle face aux invasions de chemines des années 1990 qui menaçaient la production du Burkina Faso.
En 2000, le Burkina Faso adopte les OGM si bien qu’en 2015, les trois quarts de la production du Burkina Faso étaient du coton génétiquement modifié.Mais après 10 ans d’utilisation, les professionnels du secteur coton ont décidé de tourner le dos aux semences OGM évoquant plusieurs observations dont la résistance de certains parasites et l’apparition de pathologie.
Malgré cet échec, le Burkina Faso flirte toujours avec les OGM aussi bien dans l’agriculture que dans le domaine particulier de la santé.
« Nous constatons une volonté de retour des OGM au Burkina notamment le coton OGM, les tests du Niébé Bt en cours, et comme si cela ne suffisait pas, actuellement dans manipulations dans des laboratoires au Burkina sur des moustiques génétiquement modifiés afin de lutter contre le paludisme » avait alerté Blandine Sankara coordinatrice du Collectif citoyen pour l’agro-écologie (CCAE), lors de la marche anti-OGM du 02 juin 2018 à Ouagadougou.
Dans le domaine de la lutte contre le paludisme, des chercheurs burkinabés et américains ont aussi modifiés génétiquement un champignon(Metarhizium pingshaense) avec la toxine d’une araignée pour qu’il puisse tuer plus rapidement les moustiques avec des résultats prometteurs selon les chercheurs.
Ces nombreuses expériences et l’expérience des OGM au Burkina Faso peuvent inquiéter les populations mais Dr Diabaté Abdoulaye tient à rassurer l’opinion sur la nature de ce test.
« Plusieurs tests ont été menés en laboratoire et nous travaillons sur ce projet depuis 2012. Nous sommes en 2019 et nous avons attendu 7 ans avant de libérer ces moustiques dans la nature ».
« Nous avons travaillé avec plusieurs agences et organisations indépendantes y compris l’Agence Nationale de Biosécurité du Burkina Faso et c’est sur la base des résultats et des rapports obtenus que nous avons opéré ce lâché de moustiques ».
« Ces moustiques ne sont en aucun cas plus dangereux que ceux qui sont déjà dans la nature » conclu Dr Diabaté Abdoulaye.
Pour les ONG de défense de l’environnement qui s’opposent depuis plusieurs années aux recherches et expérimentations sur les OGM dans le pays, cette décision est contraire à toute forme d’éthique.
Les explications scientifiques avancées par l’IRSS ne sont pas de nature à convaincre selon Ali Tapsoba porte-parole du Collectif Citoyen pour l’agro-écologie.
« Nous considérons l’expérience de Target Malaria comme du terrorisme scientifique en ce sens que des publications scientifiques montrent que les moustiques génétiquement modifiés peuvent engendrer des maladies et créer des résistances par rapport aux traitements du paludisme qui existe déjà ».
Pour le Collectif Citoyen pour l’agro-écologie réunissant plusieurs ONG, les « manipulations génétiques sont encore du domaine des sciences incertaines » ayant probablement « des résultats incertains et imprévisible » a alerté M. Tapsoba.
Les ONG dénoncent le manque de transparence entourant ce premier lâché de moustiques OGM et entendent continuer leur mobilisation afin que le Burkina Fa so ne soit plus un pays d’expérimentation des OGM.
Source: BBC/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée