Dette du Congo-Brazzaville : cet accord avec le FMI qui fera date

L’accord arraché avec le FMI est une bouée pour un Congo -Brazzaville asphyxié par la chute du prix du pétrole, mais des « risques considérables » menacent toujours ce pays d’Afrique centrale.

Après plus de deux ans de discussions menées sous les conseils de Matthieu Pigasse, de la banque Lazard et de Dominique Strauss-Khan, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé jeudi 11 juillet qu’il allait accorder 448,6 millions de dollars sur trois ans au Congo-Brazzaville pour relancer l’économie de ce pays d’Afrique centrale plombée par la chute des prix du pétrole… À condition que la Chine, plus gros créancier de Brazzaville, restructure la dette. Un préalable que Pékin a accepté en se ralliant pour la première fois à une solution du FMI. L’endettement vis-à-vis de la Chine est estimé à deux milliards de dollars. Au Congo, les prêts adossés au pétrole remontent aux années 1970, ils consistent pour le pays a emprunter des milliards de dollars à des sociétés privées pour les rembourser en pétrole.

Le coup de force du FMI

Évidemment, la Chine n’est pas vraiment à l’aise avec cette procédure. Mais le Congo cherche avant tout à se mettre sous la protection du FMI pour éviter un éventuel défaut de paiement. Or Pékin, qui prête à tout-va ces dernières années, garde en tête l’exemple du Venezuela. Sans oublier la situation du Sri Lanka, par exemple, incapable d’honorer ses créances, qui a dû céder à la Chine le contrôle pour 99 ans d’un port en eaux profondes.

En 2014, le Congo riche en pétrole a subi de plein fouet la dégringolade du cours du brut, une chute non anticipée et très brutale liée au même moment au ralentissement chinois. Le contexte politique n’est en outre pas favorable à Brazzaville : aux États-Unis, premier actionnaire du FMI, une quinzaine d’élus ont écrit en août au secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, pour qu’il exerce son influence afin « d’empêcher des programmes » avec les pays trop endettés avec Pékin. » Pour les États-Unis, il est hors de question que le FMI vienne à la rescousse des pays endettés avec Pékin », a expliqué l’une des sources consultées citée par l’Agence France-Presse.

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Conséquence : « Le Fonds a établi un rapport de force dans une logique de créancier. Il veut être remboursé à la fin du programme et s’assure donc que la dette soit soutenable », selon une source française.

Aujourd’hui pour le FMI, « les autorités congolaises ont redoublé d’efforts en 2018 et en 2019 pour s’attaquer à la crise économique qui les a frappées et aux problèmes de gouvernance qui y sont liés ». Les négociations avaient été ralenties par le fait que les autorités du Congo-Brazzaville avaient caché une partie de la dette publique du pays. Celle-ci s’établissait à près de 120 % du PIB (8,7 milliards de dollars) et non 77 %, selon des révélations à l’époque de Radio France Internationale (RFI).

Ce qui a changé au Congo en deux ans

La dette publique totale a été ramenée en 2018 à 87,8 % du PIB, selon le FMI qui salue les bienfaits de son intervention. « Les autorités congolaises ont redoublé d’efforts en 2018 et en 2019 pour s’attaquer à la crise économique qui les a frappées et aux problèmes de gouvernance qui y sont liés. » L’accord avec le FMI est « une joie que le gouvernement partage avec tous les Congolais », a estimé le Premier ministre Clément Mouamba. « Le plus dur reste à faire : travailler dur pour que nous respections toutes les prescriptions dudit accord », a-t-il ajouté sur la radio nationale.

« C’est une bonne nouvelle. Mais c’est juste le début d’un programme. Il ne faut pas se tromper, ce que l’on nous demande, c’est plus de rigueur, de prudence et de transparence », a estimé de son côté l’opposante Claudine Munari.

L’institution a souligné l’amélioration récente de la position budgétaire du pays, le solde du budget étant passé d’un déficit de 7,4 % du PIB en 2017 à un excédent de 6,8 % l’année dernière, une amélioration due à la forte expansion des recettes pétrolières, mais aussi « aux efforts notables dans la maîtrise des dépenses ». En 2017, son PIB divisé par deux a entraîné une explosion de son endettement, détenu pour plus d’un tiers par la Chine.

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Après une croissance inférieure à 1 % en 2018, une reprise économique est attendue en 2019 qui devrait mener la croissance au-dessus de 5 %, a affirmé le chef de la mission du FMI au Congo, Alex Segura-Ubiergo, dans un communiqué. Cette croissance devrait être portée par une forte expansion de la production pétrolière et une reprise progressive des secteurs agricole, sylvicole et du transport.

Le secteur bancaire reste toutefois vulnérable, a ajouté le représentant du FMI, notant l’accroissement des créances en souffrance qui ont atteint 23 % des prêts à fin décembre 2018, « en partie à cause de l’augmentation des arriérés qui ont dépassé 15 % du PIB en 2018 ». « Il sera essentiel d’adopter un plan crédible accordant une priorité au remboursement des arriérés sociaux, notamment des retraites », a insisté le FMI.

La société civile sur ses gardes

Mais pour la société civile, le principal sujet est ailleurs. C’est celui de la corruption. Dans ce sens, le FMI a suggéré aux autorités « de mettre sur pied la nouvelle Haute Autorité de lutte contre la corruption ».

Un opposant radical très actif depuis Paris sur les réseaux sociaux, Andrea Ngombet, a dénoncé « une prime à la kleptocratie ». L’accord ne mentionne pas un vieux créancier du Congo-Brazzaville, la société Commissimpex, qui réclame 1,2 milliard d’euros intérêts compris pour des travaux publics remontant à 1992. « La mise en œuvre du programme reste exposée à des risques considérables, parmi lesquels la volatilité des prix du pétrole et d’éventuelles difficultés à inscrire l’effort de réforme dans la durée », conclut le FMI. En contrepartie, l’institution sollicite aussi « la transparence de la gestion des ressources publiques, plus particulièrement dans le secteur pétrolier ». Ces dernières années, et sans doute sous la pression du FMI, le Congo a pris des mesures pour renforcer la transparence de son secteur pétrolier. Il publie maintenant un certain nombre de contrats et de rapports d’audit de sa société pétrolière nationale, la SNPC. En juin 2018, en consultation avec le FMI, il a publié un rapport sur la corruption. Le dernier rapport du Congo sur l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), publié en février 2019, contient des informations sur les exportations et les ventes de pétrole en 2016. Mais il met également en évidence de nombreux domaines dans lesquels l’information fait cruellement défaut. Le FMI suggère tout de même aux autorités « de mettre sur pied la nouvelle Haute Autorité de lutte contre la corruption ».

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Source: Le point afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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