Cinq milliards d’euros de réserves de change des Etats ouest-africains utilisant le franc CFA sont en cours de transfert de la France vers la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), conformément à la réforme de cette monnaie, a indiqué à l’AFP, mardi 4 mai, une source proche du dossier.
La Banque de France « est en train de transférer des fonds qui appartenaient aux Etats africains », a indiqué à l’AFP cette source requérant l’anonymat, précisant le montant des fonds : « 5 milliards d’euros ». Sollicitée par l’AFP, la BCEAO, dont le siège est à Dakar, a décliné tout commentaire sur ce transfert.
Le franc CFA est la monnaie commune à huit pays membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) et à six Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad).
La réforme du franc CFA – qui ne concerne pour l’heure que la zone UMOA – a été annoncée en décembre 2019 à Abidjan par les présidents français et ivoirien, Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, pour répondre au feu de critiques contre cette monnaie perçue comme un instrument postcolonial par ses détracteurs et une partie des populations ouest-africaines.
Un changement de nom pas encore effectif
La réforme prévoit notamment que désormais, la BCEAO n’est plus tenue de déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France – qui les rémunérait –, une obligation vue comme une dépendance humiliante par les contempteurs du franc CFA. La BCEAO « n’aura à l’avenir plus d’obligation particulière concernant le placement de ses réserves de change » et « sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix », avait expliqué à l’époque la présidence française.
Pour l’économiste togolais Kako Nubukpo, connu pour ses positions critiques vis-à-vis du franc CFA, « cette décision pourrait inciter les Etats de la zone franc à renouveler les modalités de placement de leurs réserves de change et de gestion de la trésorerie des banques centrales ». Cela pourrait aussi les inciter à « imaginer un régime de change moins rigide que celui qui existe actuellement, à savoir la parité fixe entre le franc CFA et l’euro », maintenue par la réforme.
L’économiste plaide également pour une réflexion sur « le rôle des réserves de change dans la transformation structurelle des économies de la zone franc », estimant que « cette période de Covid-19 pousse à une utilisation active des réserves de change pour relancer l’économie mondiale ». La réforme prévoyait aussi un changement de nom, toujours pas effectif, le franc CFA devant devenir l’éco, et le retrait de la France des instances de gouvernance de l’UMOA.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée