Égypte : les médias bientôt sur la liste des organisations terroristes

Pour la presse égyptienne, les espaces de liberté sont de plus en plus restreintes.

L’amendement que s’apprête à voter le Parlement égyptien va singulièrement compliquer la vie des journalistes sous le régime du président Al-Sissi.

Certains journalistes bientôt considérés comme terroristes ? C’est en tout cas l’objet d’une loi étudiée par le Parlement égyptien cette semaine, et déjà approuvée par la Commission des affaires législatives et constitutionnelles de l’institution. La mesure proposée allonge en fait une liste votée en 2015, et qui définit les « associations, organisations ou groupes » comme des « entités terroristes », affirme Reporters sans frontières dans un communiqué. Et les « canaux de transmission audiovisuels ou papier, ainsi que les stations de radio et les médias présents sur les réseaux sociaux », diffusés « de l’intérieur ou de l’extérieur du pays, avec pour objectif de nuire à des individus, les terroriser ou à mettre en danger leur vie, leurs libertés, leurs droits ou leur sécurité » pourraient donc en faire partie.

Un amendement préoccupant pour la liberté de la presse

Pour RSF, « cet amendement est extrêmement préoccupant, car il assimile les médias à des organisations terroristes », dénonce Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient de l’organisation. Alors que les autorités égyptiennes étouffent la presse depuis des années en brandissant la menace terroriste, elles s’apprêtent désormais à inscrire cet état de fait dans la loi. » Selon des informations recueillies par RSF, l’amendement pourrait être adopté définitivement et mis en application après l’approbation donnée par la Chambre des représentants.

Depuis six ans, le temps se gâte progressivement pour la presse

Depuis 2014 et la venue au pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi, la liberté de la presse est mise à mal. En quelques années, le pays s’est doté d’un arsenal juridique qui contraint sérieusement le travail des journalistes. La loi antiterroriste adoptée en août 2015 impose, par exemple, aux journalistes de respecter la version officielle lors des couvertures des attentats au nom de la sécurité nationale. Et gare à quiconque franchirait la ligne rouge. En novembre 2019, le site d’information indépendant égyptien Mada Masra subi une perquisition de la police dans ses locaux, à la suite de la publication d’un article. Neuf agents de sécurité en civil, qui n’ont pas voulu décliner leur identité, ont fait irruption dans les locaux de la rédaction. Un interrogatoire s’est ensuivi qui a duré trois heures, selon le journal qui a révélé cette descente sur les réseaux sociaux. À l’origine de l’histoire ? Un article du journal paru mercredi 20 novembre, et qui rapporte la disgrâce de Mahmoud al-Sissi, un des fils du président.

L’Égypte installée en queue de peloton des pays pour la liberté de la presse

Selon Mada Masr, Mahmoud al-Sissi aurait été déchu de ses hautes fonctions au Service de renseignements généraux (GIS) pour rejoindre un poste à la délégation diplomatique égyptienne à Moscou. Mais le journal n’est pas le seul à subir les foudres des autorités. Depuis cinq ans, une centaine de journaux égyptiens ont été interdits en Égypte et ne sont plus accessibles dans le pays que via des applications de réseaux privés virtuels (VPN). Pour RSF, le pays est le plus risqué d’Afrique pour les journalistes. Dans son dernier rapport, l’ONG rappelle que sur les 389 journalistes prisonniers dans le monde, 34 le sont détenus en Égypte, à la 163e place du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Seule la Chine, qui affiche 120 journalistes détenus, dépasse le pays au plan mondial. Et « sur les 34 journalistes maintenus derrière les barreaux, 30 le sont sans n’avoir jamais été condamnés », est-il affirmé. Des chiffres qui, avec la nouvelle loi à venir, devraient très certainement augmenter. Au détriment bien sûr des journalistes égyptiens en première ligne, face à cette nouvelle loi.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

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Tribune d'Afrique

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