Les belligérants libyens obligés de s’entendre, ces jours-ci à Genève, sur le cadre institutionnel des prochaines élections. Tâche difficile avec 75 délégués de diverses obédiences et non préparés à une mission pareille.
Jan Kubis, le représentant permanent de l’ONU en Libye, a insisté auprès des 75 délégués du dialogue politique libyen, présents à Genève, qu’ils ne rentreraient en Libye qu’après avoir adopté le cadre institutionnel des élections du 24 décembre prochain.
C’est cette même équipe qui a choisi, le 5 février dernier, la nouvelle direction politique et c’est à elle qu’échoit le devoir de résoudre toutes les problématiques liées à la loi électorale, ainsi que l’impératif de statuer sur d’éventuelles exclusions.
Les réponses multiformes données par les 75 Libyens réunis à Genève aux problématiques posées durant les trois premiers jours de ce round de dialogue politique inter-libyen, entamé le 28 juin, montrent que les délégués n’ont jamais abordé sérieusement cette question de cadre institutionnel des prochaines élections.
La majorité n’a pas de réponse à ces questions techniques très pertinentes. Il n’y avait aucune réponse dominante à la question de l’éligibilité de la hiérarchie militaire aux postes élus et si les candidats devaient démissionner de leur poste pour se présenter. Les mêmes problématiques se posent pour les élus municipaux et s’ils pouvaient cumuler avec la fonction parlementaire, voire présidentielle.
«Les membres du dialogue politique se sont entendus sur la date du 24 décembre 2021, sans avoir la moindre idée sur la batterie de mesures et de décisions préalables à ce rendez-vous. D’où ce cafouillage à Genève», assure le juge Jamel Bennour, qui s’interroge, légitimement, concernant «les conséquences d’une loi électorale préparée à la hâte sur le processus politique en cours en Libye».
Pour le juge, «la loi électorale et la Constitution méritent le temps qu’il faut pour réunir le compromis autour des litiges». Il accuse la communauté internationale de chercher à accélérer un processus au risque d’entraîner la contestation des élections par l’un ou l’autre des belligérants, voire de plusieurs parties. Le juge fait partie de ces Libyens ayant vécu sous la dictature d’El Gueddafi, qui ont participé activement à la révolution et qui ont vécu les atrocités de la guerre civile.
«Je ne veux pas voir la guerre civile reprendre, j’insiste sur la sûreté dans le processus de paix», insiste-t-il. Les agissements de l’ONU et sa pression sur les participants à Genève pourraient se justifier par certaines considérations, ajoute le juge, sceptique quant à une issueconcertée et rapide à Genève et opposée à toute logique d’issue majoritaire concernant l’adoption de la loi électorale. «La loi électorale doit être consensuelle !» affirme Jamel Bennour.
Pressions
Toute la communauté internationale met la pression sur la réunion de Genève, qui se tient quelques jours après celle de Berlin II. Le délégué de l’ONU, Jan Kubis, est entré en contact avec les délégués des puissances occidentales en Libye (Allemagne, Italie, France, Grande-Bretagne et Etats-Unis) à la veille de la tenue de la conférence de Genève.
Le mot d’ordre est à la tenue des élections en leur temps. «Mais, le retard enregistré dans les préparatifs de la loi électorale ne revientpas uniquement aux Libyens», remarque à juste titre le juge Jamel Bennour, qui ajoute que «10 mois, de février à décembre, ne suffisent pas pour tenir des élections dans un pays en guerre».
Toutefois, chaque élément de la communauté internationale a son propre calendrier. Ainsi, Jake Sullivan, président du Conseil américain de Sécurité nationale, a publié un post sur la page Facebook de l’ambassade américaine en Libye, assurant le soutien des Etats-Unis à la tenue d’élections générales en Libye, sans aucun recul de la date du 24 décembre. Sullivan a précisé que dans le récent congrès de Genève des 26/27 juin, son pays a soutenu la continuité du processus de paix en Libye, entamé avec l’installation du nouveau pouvoir provisoire.
L’élection d’une nouvelle direction libyenne concrétisera une étape importante dans le processus de paix, toujours selon le responsable américain. C’est dire que les Américains ont donné le ton et veulent que l’ONU suive. Reste à savoir si les Libyens adhéreront.
Source : El Watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée