Plus de 26 millions de Sud-Africains ont commencé lundi matin 1er novembre, au compte-gouttes, à se rendre aux urnes pour des élections municipales à haut risque pour le parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, l’ANC (Congrès national africain), qui pourrait pour la première fois passer sous la barre des 50 % des voix.
Les bureaux de vote ont ouvert à 5 heures GMT. Seuls 26,2 millions de Sud-Africains sont inscrits sur les listes électorales pour choisir leurs représentants dans quelque 250 municipalités, sur une population d’environ 40 millions en âge de voter.
Depuis des années, l’ANC, le parti historique de Nelson Mandela qui dirige l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid il y a vingt-sept ans, est en perte de vitesse.
Plusieurs dirigeants, et en premier lieu l’ancien président Jacob Zuma, sont accusés d’avoir pillé les caisses du pays et ont de sérieux démêlés avec la justice, alors que le chômage atteint des records à plus de 30 %, dans une économie déjà en récession avant la crise du Covid-19.
Voter pour le changement
« Les dirigeants de l’ANC n’ont pas tenu leurs engagements, ils font trop de promesses vides », peste Samuel Mahlaule, 55 ans, dans une queue d’à peine vingt personnes devant un bureau de vote à Soweto. Ce chauffeur Uber, père de quatre enfants, dit voter depuis les premières élections démocratiques en 1994, mais demande aujourd’hui « du changement ».
Même désir d’autre chose à Danville, banlieue de la capitale Pretoria dominée par une classe moyenne blanche. « Je vote pour qu’il y ait du changement dans le pays, une vie meilleure pour tous », explique à l’AFP Charmaine Barnard, 57 ans.
En juillet, le pays a connu une vague d’émeutes et de pillages qui ont fait plus de 350 morts, au départ déclenché par l’incarcération de M. Zuma, mais aussi le signe d’un climat social et économique tendu.
L’armée a été déployée dans les centres urbains pour les élections : quelque 10 000 soldats ont notamment été appelés en renfort de la police dans les provinces du Gauteng, où se situent Johannesburg et Pretoria, et du Kwazulu-Natal (est), où les émeutes de juillet avaient commencé et ont été les plus virulentes.
« Nettoyer le parti »
Des années de mauvaise gestion et de corruption généralisée ont laissé à l’abandon de nombreux services publics en Afrique du Sud, où se multiplient les délestages de courant ou de fourniture d’eau, au point d’en affecter même la campagne électorale.
Les sondages suggèrent qu’une majorité d’électeurs pourraient pour la première fois se détourner de l’ANC. « On est peut-être à un tournant pour l’ANC et à un tournant pour l’Afrique du Sud », estime le président du groupe de réflexion Democracy Works, William Gumede.
Tout au long de la campagne, le président Cyril Ramaphosa, aussi patron de l’ANC, a répété aux électeurs « nettoyer le parti ». Il a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille. Lors des municipales de 2016, l’ANC avait enregistré son plus mauvais score (54 %) et perdu des villes clefs dont Pretoria et Johannesburg.
En face, l’opposition reste toutefois divisée. L’Alliance démocratique (DA), toujours perçue comme un parti de Blancs, et la gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EFF) qui avaient réussi à composer d’improbables coalitions dans certaines municipalités il y a cinq ans, se présenteront cette fois en ordre dispersé.
Les électeurs auront également le choix d’un nombre inédit de candidats indépendants – 1 700 sur 60 000 – qui pourraient venir brouiller les cartes d’un scrutin où l’ANC joue gros avant les élections générales de 2024.
Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée