Le président d’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa a salué lundi 6 septembre la mise en liberté conditionnelle pour raisons médicales de son prédécesseur, Jacob Zuma, une décision prise à quelques jours de la reprise du procès pour corruption de l’ancien chef d’Etat qui a provoqué la colère de l’opposition.
« Nous nous en félicitons » et « lui souhaitons un prompt rétablissement alors qu’il retourne chez lui avec ses proches », a déclaré M. Ramaphosa lors d’un point presse télévisé à la sortie d’une réunion du Congrès national africain (ANC) au pouvoir.
M. Zuma, 79 ans, incarcéré depuis le 8 juillet pour outrage à la justice, est hospitalisé depuis un mois – pour des raisons qui n’ont pas été dévoilées – hors de la prison où il avait commencé à purger une peine de quinze mois ferme. Il a été condamné pour avoir à maintes reprises refusé de se présenter devant une commission chargée d’enquêter sur la corruption d’Etat pendant sa présidence (2009-2018).
Dimanche, les autorités pénitentiaires ont annoncé que l’ancien président pourrait rentrer chez lui à sa sortie d’hôpital mais était susceptible d’avoir à effectuer des travaux d’intérêt général.
Une décision « extrêmement suspecte »
Cette annonce, qui a coïncidé avec une réunion au sommet de l’ANC, où Jacob Zuma compte encore de nombreux soutiens, est « extrêmement suspecte », a déclaré à l’AFP John Steenhuisen, du premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA). « Cette décision est politique, pas médicale », a-t-il fustigé.
Cyril Ramaphosa a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille, notamment au sein de l’ANC. Mais le chef d’Etat a du mal à asseoir son autorité au sein du parti, pris dans une guerre de factions.
Ce dernier rebondissement dans les péripéties judiciaires de M. Zuma prouve que « lorsqu’on a des connections politiques, la prison n’est pas un endroit pour vous », estime Mmusi Maimane, du groupe de pression One South Africa. Partis et groupes d’opposition réclament que les autorités dévoilent publiquement les étapes du processus ayant abouti à cette libération conditionnelle.
Les circonstances dans lesquelles cette décision a été prise « sont non seulement profondément suspectes, mais ne sont pas conformes à la procédure prévue par la loi », a estimé la fondation De Klerk dans un communiqué.
Fraude, corruption et racket
Selon une source pénitentiaire, la décision est fondée sur des avis médicaux attestant que la santé de M. Zuma « nécessite une grande attention ». Pour le groupe d’opposition ActionSA, c’est plutôt le fait d’un « système pénal qui traite les plus puissants avec des gants et leur permet d’échapper à la justice ».
Le procès pour corruption de M. Zuma doit reprendre jeudi. « Il ne serait pas étonnant que cette libération conditionnelle pour raisons médicales soit maintenant un prétexte pour dire qu’il n’est pas apte à être jugé », estime M. Naidoo.
Dans cette affaire vieille de vingt ans, l’ancien président est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin du géant de l’armement français Thalès, inculpé de son côté de corruption et blanchiment d’argent. Il doit répondre de seize chefs d’accusation de fraude, corruption et racket. L’incarcération de M. Zuma avait déclenché une vague sans précédent de violences en Afrique du Sud. Cyril Ramaphosa avait dénoncé une tentative orchestrée pour déstabiliser le pays.
Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée