Ces derniers mois, le régime algérien a censuré plusieurs sites d’information et mis en prison des journalistes, dont le directeur du site Casbah Tribune.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains, dont Amnesty International, ont exhorté, jeudi 30 avril, les autorités algériennes à libérer le journaliste Khaled Drareni, en détention depuis fin mars, et à mettre fin au « harcèlement ciblé des médias indépendants ».
« Les autorités doivent immédiatement et sans condition libérer Khaled et mettre fin à ces poursuites scandaleuses. Il est puni simplement pour avoir osé faire son travail journalistique de façon indépendante et courageuse », a dénoncé Heba Morayef, directrice d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dans un communiqué.
Khaled Drareni est le fondateur et directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune. Il est aussi correspondant de la chaîne de télévision française Tv5Monde et représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie.
Emprisonnement « arbitraire »
Le comité de défense de M. Drareni a déposé une demande de libération provisoire devant le tribunal de Sidi M’hamed à Alger, a rapporté, jeudi, le site Casbah Tribune. Les avocats du journaliste ont affirmé que celui-ci « offre toutes les garanties pour se présenter le jour de son procès » et que son emprisonnement est d’autant plus « arbitraire » qu’il exerçait ses fonctions de reporter lors de son arrestation.
Incarcéré au centre pénitentiaire de Kolea, à l’ouest d’Alger, il a été placé le 29 mars en détention préventive dans l’attente de son procès.
Il est accusé « d’incitation à un attroupement non armé et d’atteinte à l’intégrité du territoire national » après avoir couvert à Alger une manifestation du « Hirak », le mouvement populaire antirégime qui secoue l’Algérie depuis plus d’un an et interrompu dans les rues par l’épidémie de Covid-19.
Un autre journaliste algérien, Sofiane Merakchi, correspondant de la chaîne libanaise Al-Mayadeen, est en détention préventive depuis fin septembre. Il est accusé notamment de « fourniture des images des manifestations du vendredi 20 septembre 2019 à la chaîne Al-Jazeera et d’autres médias étrangers ». Son procès en appel a été renvoyé au 21 mai.
A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, Amnesty appelle les autorités à « mettre fin aux restrictions injustifiées imposées aux journalistes et aux médias indépendants en Algérie ».
Trois médias en ligne algériens, actifs dans la couverture du Hirak, ont été la cible de censure : deux sites du groupe Interface Médias, Maghreb Emergent et la radio web Radio M, et le site d’information généraliste Interlignes. Maghreb Emergent et Radio M sont accusés de « diffamation et insulte » à l’encontre du président, Abdelmadjid Tebboune. Quant au site généraliste Tout sur l’Algérie (TSA) est également inaccessible en Algérie, sauf par connexion VPN.
En outre, un jeune partisan du Hirak, Walid Kechida, a été placé lundi en détention provisoire à Sétif, à l’est d’Alger, pour des mèmes se moquant des autorités et de la religion, selon son avocat Me Moumène Chadi. « Nous exhortons les autorités à libérer les journalistes Khaled Drareni, Sofiane Merakchi et le blogueur Walid Kechida, et à mettre fin au blocage des sites d’information », a protesté dans un communiqué Wadih Al-Asmar, président d’EuroMed Droits, ONG basée à Bruxelles.
« Escalade de la répression »
L’Algérie figure à la 146e place sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.
Amnesty réclame toujours la fin des poursuites contre les militants et manifestants du Hirak qui sont détenus, estimant que les autorités « mettent également en danger leur santé étant donné les risques d’une épidémie de Covid-19 dans les prisons ».
Dans un communiqué publié jeudi, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a déploré « l’escalade de la répression des militant.e.s et journalistes » et appelé à « libérer l’ensemble des détenus d’opinion et des journalistes ».
Selon le dernier décompte du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien, 51 personnes sont détenues pour des faits liés au mouvement de contestation. Plusieurs procès de « hirakistes » programmés jeudi ont été reportés en raison du coronavirus, a précisé le CNLD.
Source: Le Monde Afrique/Mis en Ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée