Devanture politique du régime, le parti est contesté dans son existence même, notamment depuis le 22 février, début du mouvement de contestation.
Le Front de libération nationale (FLN) survivra-t-il au mouvement de contestation en Algérie ? Depuis le 22 février, début des manifestations contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, le FLN, tout comme le Rassemblement national démocratique (RND), autre parti de la majorité présidentielle créé en 1997, sont les cibles des manifestants qui les désignent comme des corrompus et des agents de la « 3issaba » (« la bande », pour désigner le clan Bouteflika).
Parti historique de l’Algérie indépendante depuis 1962, mais aussi devanture politique du régime, la formation est contestée dans son existence même. Après la démission d’Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, qui était officiellement président du FLN, les appels à classer le sigle du parti au patrimoine national commun et à interdire son exploitation partisane se sont multipliés.
Le 20 août, c’était au tour de la puissante Organisation nationale des Moudjahidines (ONM, anciens combattants) de demander aux autorités d’enlever le « symbole du FLN » au parti. Autre mauvais signal politique pour le FLN (et le RND) : Karim Younes, ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN), aujourd’hui à la tête d’une « instance du dialogue » adoubée par le pouvoir, a exclu de les consulter.
Le parti de la « chkara »
En réponse à l’ONM, la direction du FLN a dénoncé dans un communiqué « une dérive dangereuse » et accusé « des agendas cachés qui se croisent avec d’autres appels ayant des prolongements à l’étranger, dans l’objectif de réaliser ce que le colonisateur français n’a pas pu faire : dépouiller l’Algérie de sa glorieuse histoire ». C’est pourtant bien au nom de l’histoire que de nombreux Algériens réclament que le sigle du FLN soit rendu « à la nation » et « mis au musée ».
Fondé en automne 1954 par des jeunes activistes du mouvement national, le FLN a engagé la lutte armée pour l’indépendance, à travers une proclamation dite du 1er novembre 1954 qui sert toujours de référence aux Algériens. A partir de 1956, le FLN s’ouvre aux autres courants, des oulémas aux communistes, qui intègrent le mouvement de libération à titre individuel. La plupart de ses fondateurs historiques, comme Hocine Aït Ahmed ou Mohamed Boudiaf, sont entrés en opposition au nouveau pouvoir en 1962. Sa transformation en parti du pouvoir est considérée par des opposants et de nombreux Algériens comme une privatisation d’un patrimoine national commun.
Aujourd’hui, le FLN, ex-parti unique jusqu’en 1990, domine, avec le RND, les assemblées élues (Assemblée nationale, Sénat et assemblées communales). Il est devenu au cours des vingt dernières années un tremplin pour des affairistes. Les Algériens l’ont ainsi surnommé le parti de la « chkara », qui désigne le sachet noir rempli d’argent utilisé pour s’acheter une bonne place dans les listes de candidatures à la députation. Le FLN incarne la face visible d’un « pouvoir réel », mais toujours dans l’ombre au sein de l’armée, des services de renseignement et de la présidence.
Appuyer les candidatures de Bouteflika
Le seul moment où le FLN s’est affranchi du pouvoir a été entre 1992 et 1995, sous la direction d’Abdelhamid Mehri. Militant respecté du mouvement national, ministre dans le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) durant la guerre d’indépendance, Abdelhamid Mehri s’était opposé à l’arrêt du processus électoral par l’armée en janvier 1992. Il sera écarté en 1995.
Passé cet intermède, le FLN est rentré dans le rang, soutenant toutes les décisions du pouvoir « réel ». Avec l’arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999, le parti retrouve sa prééminence. Il appuiera toutes les mesures, y compris le changement de Constitution en 2008 qui supprime la limitation des mandats présidentiels et ouvre la voie à la présidence à vie pour Abdelaziz Bouteflika.
Mouad Bouchareb, l’ancien secrétaire général du FLN et ex-président de l’Assemblée nationale, va officier le show organisé le 9 février dans une grande salle de sports d’Alger, la Coupole, pour annoncer, au nom du parti, la candidature du chef de l’Etat sortant à un cinquième mandat « en signe de reconnaissance pour sa bonne gouvernance, ses choix judicieux et les acquis engrangés par l’Algérie sous sa présidence ». Un événement qui a ulcéré de nombreux Algériens, lesquels continuaient à croire ou à espérer que le régime n’oserait pas présenter un Bouteflika malade et impotent à un nouveau mandat. Il sera l’un des catalyseurs des premières manifestations le vendredi 22 février.
Perte de sympathie de l’opinion
Au lendemain de cette contestation qui prend de court le régime, c’est encore Mouad Bouchareb qui monte au créneau, se lançant dans une comparaison entre Bouteflika et le Prophète. « Dieu a envoyé Bouteflika en 1999 pour réformer la nation algérienne et lui rendre la place qui est la sienne », expliquait-il alors.
Le prédécesseur de Mouad Bouchareb à la tête du FLN, Djamel Ould Abbès, est lui en prison pour des affaires de corruption liées à sa fonction de ministre. Il en est de même pour l’ancien premier ministre Ahmed Ouyahia, qui était encore secrétaire général du RND au moment de son incarcération. Le nouveau secrétaire général du FLN, Mohamed Djemai, un « oligarque », n’est pas fait non plus pour susciter la sympathie de l’opinion, lui qui n’hésitait pas à foudroyer les opposants à la candidature de Bouteflika, déclarant : « N’est pas encore né celui qui tiendra tête à Bouteflika. »
Depuis le début du mouvement de contestation, le parti affiche sans surprise son appui aux décisions du chef d’état-major de l’armée, nouvel homme fort du pays, Ahmed Gaïd Salah. Mais les appels à le dépouiller de son sigle historique sont plus insistants que jamais.
Source: Le Mondde Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée