Plusieurs dizaines d’étudiants ont manifesté mardi 23 février à Alger contre le pouvoir et pour la liberté de la presse malgré l’interdiction des rassemblements et une imposante présence policière, au lendemain d’importantes protestations à l’occasion du second anniversaire du mouvement de contestation du Hirak.
Avant l’interruption des marches hebdomadaires du Hirak en mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, les étudiants avaient pour habitude de défiler chaque mardi.
Dès les premières heures de la journée, des camions de la police ont pris position à proximité des principales places du centre de la capitale, notamment la place des Martyrs, au pied de la célèbre Casbah, qui était le point de départ de la marche hebdomadaire des étudiants.
Malgré les cordons policiers, des dizaines d’étudiants et de militants ont réussi à parcourir quelques centaines de mètres jusqu’au théâtre national, aux cris de « Nous sommes des étudiants et pas des terroristes », « Pour une presse libre et une justice indépendante » ou encore « Algérie libre et démocratique », selon des journalistes de l’AFP sur place. Ils ont également repris des slogans historiques du mouvement de contestation comme « Un Etat civil et pas militaire ».
Précarisation des conditions de vie
La progression de la marche a été stoppée près de la faculté centrale d’Alger. La police a ensuite évacué les manifestants vers une station de bus réservée aux étudiants avant de les forcer à quitter le centre-ville. De brèves échauffourées ont eu lieu après que des policiers ont tenté de repousser les étudiants, selon un journaliste de l’AFP sur place.
Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), la police a interpellé au moins dix-huit personnes dont certaines ont été relâchées. Un leader étudiant connu, Abdenour Aït Saïd, a retrouvé la liberté en fin de soirée, a précisé sa famille. Cet activiste du Hirak avait été interpellé par des agents en civil et conduit à une destination inconnue après avoir donné une interview à la station d’opposition Radio M, selon le CNLD.
La jeunesse universitaire algérienne a récemment manifesté sa colère après la mort accidentelle début février d’une étudiante, décédée d’électrocution après un « court-circuit dans sa chambre » d’une cité U d’Alger, symbole de la précarisation des conditions de vie sur les campus.
Lundi, des foules nombreuses d’Algériens ont défilé dans le pays, ravivant la contestation antirégime dans la rue. « Le pouvoir doit prendre acte de l’échec de sa feuille de route et amorcer en urgence un nouveau processus démocratique », a estimé le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, Saïd Salhi.
« Retour fracassant du Hirak »
Le Front des forces socialistes, doyen des partis d’opposition, a fustigé « l’immobilisme destructeur » du régime. « Le contexte politique national ne peut plus supporter d’autres dérives autoritaires et d’autres échecs. »
Déclenché le 22 février 2019, le Hirak, mouvement pacifique de protestation inédit en Algérie, a poussé le président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis deux décennies, à la démission deux mois plus tard après avoir été lâché par l’armée, le pilier du régime.
Interrompu par la pandémie, le mouvement a toutefois continué de réclamer le démantèlement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962. Commentant les manifestations de lundi, le journal indépendant El Watan a évoqué « le retour fracassant du Hirak » dans « une Algérie qui gronde ».
Le prochain test d’une reprise durable ou non du mouvement devrait être vendredi, journée hebdomadaire des grandes marches du Hirak avant l’interdiction des rassemblements en raison de la pandémie.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée