A Tinzaouatine, localité à cheval sur les deux pays, un homme est mort suite à des tirs provenant de la partie malienne, lors d’une manifestation qui a viré à l’émeute.
Que s’est-il passé à Tinzaouatine, dans le sud de l’Algérie, une localité à cheval sur la frontière algéro-malienne où un manifestant a été tué par des tirs « d’origine inconnue », selon le ministère algérien de la défense ?
Lundi 15 mars, les habitants de la localité se rassemblent pour protester contre une barrière de sable surmontée de barbelés qui a été érigée par les forces de sécurité entre les deux pays. Problème, selon un texte rédigé par les manifestants, l’ouvrage passe le long de la berge nord d’un oued qui marque la frontière administrative entre les deux pays.
S’il est à sec la plupart du temps, de l’eau y coule en été. Un mince filet qui est suffisant pour faire du lit du cours d’eau, entre 80 et 100 mètres de largeur, la seule bande humide des environs. Des puits y ont été creusés et les habitants y envoient paître leurs animaux.
Sans remettre en cause la nécessité d’une barrière de sécurité dans cette région ultrasensible, les habitants de Tinzaouatine réclament des ouvertures dans le mur pour ne pas se retrouver coupés de leur approvisionnement en eau. Bien que fermée, la frontière n’a jamais été hermétique.
« Tout le monde sait que de nombreuses familles sont partagées entre les deux villes que sépare l’oued. De l’autre côté, il n’y a rien, ni eau, ni produits alimentaires, ni les moindres conditions de vie. Il est tout à fait normal que les familles s’entraident. Elles viennent s’approvisionner à Tinzaouatine et repartent », ajoute le maire de Tinzaouatine, interrogé par le quotidien El Watan.
« Elucider les circonstances »
Mais la manifestation vire à l’émeute, des jeunes saccagent le grillage et des affrontements les opposent à des gardes-frontières algériens. Des coups de feu auraient alors été tirés « depuis Ikhraben [localité malienne limitrophe de Tinzaouatine] en direction des positions de nos gardes-frontières et ont touché un individu parmi la foule », selon un communiqué des autorités. L’homme « a été immédiatement évacué par les gardes-frontières pour être pris en charge par les services de santé, mais il a succombé malheureusement à ses blessures », ajoutent-elles.
Sur les rares vidéos publiées sur les réseaux sociaux, alors qu’un homme gît à terre de longues minutes – « quinze » selon des témoins que l’on entend apostropher des gendarmes ou des gardes-frontières –, les habitants semblent mettre en cause directement les forces de l’ordre quand le maire évoque des tirs de sommation puis des blessés.
L’armée a ordonné l’ouverture d’une enquête pour « élucider les circonstances de cet incident » et appelle à la « vigilance » face à la « désinformation », qui vise à « perturber la situation dans cette région ». La région est ultrasensible : l’émir d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Abdelmalek Droukdel, a été tué le 3 juin à une centaine de kilomètres de la localité.
Sur son compte Facebook, Boudjemaa Balaou, l’un élu de l’assemblée de la wilaya (préfecture) de Tamanrasset met lui aussi en cause le tracé de l’ouvrage défensif, érigé sans concertation et malgré les protestations des habitants. Un remblai qui passe, selon lui, « au milieu des habitations et laisse une partie du territoire algérien isolé de l’autre côté ». L’élu dénonce également le comportement brutal et récurrent dont font preuve les gardes-frontières à l’égard des populations locales.
Source: Le Monde Afrique/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée