Malgré un black-out total sur les opérations militaires, les premiers signes de combats nourris entre forces armées éthiopiennes et tigréennes apparaissent sur le terrain.
Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a limogé, dimanche 8 novembre, son chef de l’armée, quatre jours après le lancement d’une offensive militaire contre la région du Tigré, dans le nord du pays, qui menace de tourner à la guerre civile.
Le général Berhanu Jula, chef adjoint de l’armée, « a été promu au rang de chef de l’armée », a affirmé un communiqué du bureau du premier ministre, sans préciser les raisons du limogeage de son prédécesseur, le général Adem Mohammed. Dans le même temps, et malgré un black-out total sur les opérations militaires, les premiers signes de combats nourris entre forces armées éthiopiennes et tigréennes apparaissent sur le terrain.
Menace pour la stabilité de la région
Une centaine de soldats éthiopiens ont ainsi été admis pour des blessures « par balles » dans un hôpital de la région Amhara, qui jouxte le Tigré, a appris un médecin local à l’Agence France-Presse (AFP). A l’hôpital de Sanja, au nord de Gondar, à une soixantaine de kilomètres du Tigré, « nous avons eu 98 cas, tous de l’armée nationale », a assuré ce médecin sous couvert d’anonymat, sans préciser les dates des admissions des soldats blessés. Le médecin a souligné qu’il n’avait enregistré aucun décès mais que des blessés plus graves avaient été dirigés vers des hôpitaux plus importants, à Gondar et ailleurs.
L’escalade militaire fait craindre un conflit susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du deuxième pays le plus peuplé du continent avec plus de 100 millions d’habitants et, au-delà, de toute la Corne de l’Afrique.
Prix Nobel de la paix en 2019 notamment pour avoir mis fin à l’état de guerre avec l’Erythrée, Abiy Ahmed a annoncé mercredi le lancement de ces opérations militaires au Tigré en représailles à l’attaque de bases militaires éthiopiennes sur place. La tension entre Addis-Abeba et le Tigré – dont les dirigeants s’estiment marginalisés par le nouveau pouvoir – s’était particulièrement accrue depuis l’organisation, en septembre, d’élections régionales non reconnues par le pouvoir central.
Frappes aériennes et tirs d’artillerie
Selon un avis d’information des Nations unies diffusé dimanche, « une frappe aérienne a visé Mekele », la capitale du Tigré, à proximité de l’aéroport. « Une seule explosion a été notée, ainsi qu’une riposte venue du sol », ajoute le rapport des Nations unies.
Un responsable des Nations unies a indiqué samedi à l’AFP que, selon un rapport interne, les forces armées tigréennes tenaient le quartier général de l’armée éthiopienne à Makele. La base militaire de Makele est une des plus importantes d’Ethiopie, héritage des années de guerre avec l’Erythrée, qui borde le Tigré.
Un média public éthiopien a également cité dimanche le général Berhanu Jula, qui affirme que les forces fédérales avaient « totalement détruit les armes lourdes de la clique de traîtres », en référence au Front de libération des peuples du Tigré (TPLF). Ce dernier a, durant près de trente ans et jusqu’à l’avènement d’Abiy Ahmed en 2018, dominé les structures de pouvoir en Ethiopie.
Le général Berhanu Jula a ajouté que les soldats éthiopiens avaient « complètement capturé » quatre villages de l’ouest du Tigré où se sont concentrés les combats. Diverses sources diplomatiques et humanitaires ont également fait état d’activités militaires sur les principaux axes reliant le Tigré à la région Amhara et signalé des combats et des tirs d’artillerie sur la route menant à Humera, aux confins du Soudan et de l’Erythrée, dans l’ouest du Tigré.
Samedi, le Parlement éthiopien avait révoqué le Parlement régional et le gouvernement du Tigré, qui avait rétorqué en qualifiant cette mesure de « plaisanterie » et en accusant le premier ministre de vouloir installer des « marionnettes » dans la région.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée