Il n’y a pas que le domaine militaire qui intéresse la Russie au Soudan. A compter de 2021, Uralchem et Uralkali, deux majors étatiques russes, vont fournir des engrais au pays nord-africain. Derrière ce deal, une ambition clairement affichée par Moscou de se positionner sur le marché est-africain des engrais.
Uralchem et Uralkali, deux entreprises publiques russes de premier plan spécialisées dans l’exploitation du phosphate, de la potasse et des produits dérivés pour l’agro-industrie, vont fournir des engrais au Soudan à compter de 2021, a révélé dans un communiqué Dmitry Mazepin, président du conseil d’administration d’Uralchem, vice-président du conseil d’administration d’Uralkali et membre du bureau du conseil d’administration de l’Union russe des industriels et Entrepreneurs (RSPP). L’accord fait suite à la récente visite à Khartoum du PCA et actionnaire majoritaire d’Uralchem. Dans la capitale soudanaise, Mazepin a été reçu par le vice-président Mohamed Hamdan Dagalo et le premier ministre Abdallah Hamdok. Leurs discussions ont officiellement tourné autour des opportunités et mécanismes de coopération liées à la fourniture de produits d’Uralchem et Urakali au Soudan. Le firme russe est aussi demandeuses d’avantage fiscaux, que Khartoum pourrait bien lui accorder.
Côté Soudanais, on salue fièrement ce partenariat. « Le Soudan possède de vastes étendues de terres et souhaite développer l’agriculture et attirer des investisseurs étrangers », a déclaré le vice-président Mohamed Hamdan Dagalo, qui pense que « URALCHEM peut montrer par son exemple que notre pays est prêt et ouvert à une coopération à long terme avec la Russie. Et le nouveau gouvernement fera tout son possible pour cela ».
« Augmenter considérablement notre position en tant que vendeur d’engrais »
Ces derniers jours, les Russes font beaucoup parler d’eux au Soudan pour leur positionnement dans le domaine militaire, avec notamment le projet d’installation de la première base militaire russe en Afrique. Au-delà pourtant, le Kremlin poursuit des positions économiques fortes à travers le continent. Si ce deal des engrais en particulier vise donc à appuyer les projets de développement agricoles locaux, ce dernier est surtout stratégique pour Moscou qui entend faire du Soudan la porte de son expansion sur le marché des engrais d’Afrique de l’Est.
« Le Soudan est dans une situation difficile depuis dix ans. Désormais, les dirigeants du pays et le nouveau gouvernement se concentrent sur la relance de l’économie. Nous pensons que le Soudan peut devenir la plate-forme dans la partie orientale de l’Afrique où nous pouvons augmenter considérablement notre position en tant que vendeur d’engrais », a déclaré Dmitry Mazepin.
Une sous-région où les Russes ont déjà des entrées
Jusqu’ici, les Russes, avec Uralchem en particulier, sont bien investis sur le marché des engrais au Zimbabwe, en Zambie, au Mozambique et en Angola. En Afrique de l’Est, ils ont déjà posé le pied au Kenya et veulent davantage couvrir la sous-région qui est d’ailleurs très agricole. Le Soudan est certes en Afrique du Nord, mais la vaste étendue de son territoire donne une ouverture à la fois sur l’Afrique centrale puisqu’il est frontalier au Tchad et la République centrafricaine, mais aussi sur l’Afrique orientale grâce à ses frontières avec l’Erythrée à l’est et l’Ethiopie à l’est-sud-est.
L’entrée sur le marché des engrais en Ethiopie, un pays hautement stratégique sur le plan agricole, ouvrirait aisément la porte sur Djibouti par exemple où l’agriculture constitue une composante essentielle du plan stratégique nationale « Djibouti 2035 ». Par ailleurs, la Russie jouit déjà de bonnes relations dans d’autres pays de la sous-région comme le Rwanda et l’Ouganda, ce dernier où un projet intergouvernemental de développement d’énergie nucléaire est en gestation depuis 2019.
Cette nouvelle sortie des Russes ne fait que confirmer leurs ambitions de positionnement dans l’économie africaine tel que clairement affichées lors du Sommet de Sotchi l’an dernier. D’ailleurs Uralchem, qui vient de nommer un nouveau PDG en la personne de Alexander Prygonkov, entend mettre davantage l’accent sur son développement international avec, toujours, l’Afrique en ligne de mire.
Source : La Tribune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée