Après l’annonce de réformes économiques, l’Éthiopie veut attirer les investisseurs pour soutenir ses jeunes pouces et rivaliser à terme avec Nairobi, Lagos ou Le Cap.
Des tentes sont dressées dans un coin de la mezzanine de l’immense parc des expositions d’Addis-Abeba. Des lycéens de la capitale éthiopienne planchent sur une application mobile durant un Hackathon, ce marathon des virtuoses du code informatique, de deux jours. Plus loin, une allée d’incubateurs s’ouvre au visiteur. Pour le premier événement dédié aux start-up en Éthiopie, le décor se voulait innovant. Sur la scène principale, Eleni Gabre-Madhin, à l’initiative de Startup Ethiopia, et le ministre de l’Innovation et des Iechnologies, Getahun Mekuria, se renvoient la parole au micro, un écran géant dans leur dos. « Nous allons devenir un pays de start-up », lance la fondatrice de Blue Moon, l’un des incubateurs pionniers du pays. Face à elle, le ministre affirme, confiant : « Nous allons totalement changer la connectivité que nous avons en Éthiopie dans les quatre prochains mois. »
Une transformation de fond
L’homme est à l’image du vent de réformes économiques insufflé par le gouvernement d’Abiy Ahmed depuis un an. « Ce ne sont pas de petites choses que de transformer le secteur des télécommunications, d’ouvrir la logistique, d’ouvrir le e-commerce. Avec ces grandes initiatives on a pu attirer des gens », se félicite Eleni Gabre-Madhin, dont l’incubateur a été fondé il y a deux ans et demi, à l’époque où le pays, en plein état d’urgence, était coupé d’Internet. Aujourd’hui, des investisseurs comme le fonds américain Village Capital, l’accélérateur de l’association de GSM, la banque d’investissement américaine Jefferies ou encore le fonds chinois Shaka Ventures ont fait le déplacement jusqu’à ce pays de la Corne de l’Afrique de plus de 105 millions d’habitants. « Certains n’ont pas pu venir cette année, mais viendront l’année prochaine », assure la femme d’affaires, dont l’objectif était de montrer qu’Addis-Abeba est prête à rivaliser avec Nairobi, Lagos ou Le Cap dans les années à venir et à prendre sa part du milliard de dollars annuel investis dans les jeunes pouces en Afrique. L’Éthiopie compte déjà quelques start-up à succès comme Hybrid Designs, créateur de Ride, le Uber local, dont le capital de départ n’était que de 40 000 ETB (1 375 dollars).
Un potentiel immense…
Preuve du potentiel éthiopien, près de 120 start-up de 14 villes participaient à un concours organisé lors de Startup Ethiopiapour remporter un million de birrs. Deux ingénieurs en mécanique de l’université d’Adama, Yigzeralew Ayele et Anduamlak Mehariw, ont finalement décroché le Graal. Ils ont fondé GreenBean, qui fabrique des machines à sécher le café, les premières d’Afrique. Elles permettent de réduire le temps de séchage de la graine de vingt jours à quinze heures. Arrivée en troisième position, l’entreprise Grohydro produit et commercialise des systèmes hydroponiques qui permettent l’agriculture hors-sol. « Quand on a dit qu’on allait faire de la nourriture juste à partir d’eau, ils pensaient est-ce que ça marche ? se souvient Selam Wondim, sa cofondatrice. Culturellement, les Éthiopiens mettent plus de temps à adopter les technologies révolutionnaires. » La trentenaire regrette aussi le manque d’infrastructures. « L’écosystème n’est pas accueillant pour les jeunes pouces, les règles sont les mêmes que pour le reste de l’économie, alors que le monde des start-up ne fonctionne pas comme cela. »
Mais les obstacles restent nombreux
Eleni Gabre-Madhin, dont l’incubateur a mis 10 000 dollars dans le projet Grohydro, espère aussi une amélioration du e-commerce et des questions de financement, comme le seuil minimal de 200 000 dollars de capital pour investir depuis l’étranger. « Si on avait eu cette règle dans la Silicon Valley, on n’aurait pas eu la Silicon Valley parce que le premier capital qui arrive, ce n’est pas 200 000 dollars et plus, c’est 20 000 ou 25 000 dollars », précise la « directrice exécutive du bonheur » de Blue Moon. Certaines de ces entreprises naissantes deviennent ensuite des géants. « Je traite avec des sociétés qui peuvent vite passer de zéro à un million de clients », assure Mbwana Alli, fondateur tanzanien du fonds Savannah, qui investit sur le continent africain dans des domaines comme « la logistique, le commerce sur Internet, les technologies financières, l’éducation, la santé – c’est notre premier investissement ici en Éthiopie – et aussi l’agriculture ».
De quoi donner l’espoir d’opportunités d’emplois pour les 2,5 millions d’Éthiopiens qui entrent chaque année sur le marché du travail. Selon une étude de la fondation Kauffman* de 2010, les entreprises de moins d’un an d’existence auraient créé en moyenne 3 millions d’emplois par an aux États-Unis de 1977 à 2005.
En Éthiopie, reste à améliorer le niveau de formation. « Nous travaillons à réduire le fossé entre les besoins des employeurs et les compétences acquises par les étudiants en sortie d’école ou d’université, car il y a de grandes disparités dans ce domaine », explique Rediet Girma, directrice de la création de la société Gebeya, qui a formé plus de 400 étudiants aux nouvelles technologies en trois ans.
Source: Le point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée