Le constat du Programme alimentaire mondiale (PAM) est sans appel : en 2020, près de 45 millions de personnes sont menacées par la famine en Afrique australe. Au moment où les chefs d’État du continent sont réunis au sommet de l’Union africaine, en Éthiopie, c’est une urgence qui devrait interpeller.
« La situation est extrêmement grave. » La chercheuse à l’Institute for Security Studies (ISS), Liesl Louw-Vandran, ne mâche pas ses mots pour décrire la situation qui prévaut actuellement en Afrique australe. Quasiment tous les pays de la région sont touchés, même si pour certains la situation est encore plus urgente. Selon les chiffres dévoilés par le PAM, le 16 janvier dernier, 45 millions de personnes sont menacées par la famine. Une « crise de la faim » qui atteint des proportions encore jamais vues. Au Zimbabwe, c’est une personne sur deux qui est considérée comme en situation de grave insécurité alimentaire.
Les signaux d’alarme sont tirés, les constats sont posés, pourtant la crise humanitaire en Afrique australe est loin d’occuper le haut de l’affiche du 33e sommet de l’Union africaine. Ce week-end, le continent réunit ses chefs d’État et de gouvernement pour sa traditionnelle assemblée annuelle. Et sur les 46 rendez-vous officiels annoncés à l’agenda, aucun ne concerne la crise humanitaire en Afrique australe. Avec « Faire taire les armes », la thématique mise en avant pour ce rendez-vous, les conflits auront donc le devant de la scène, notamment la crise en Libye.
« Racine des conflits sur le continent »
Pourtant, pour Lesl Louw-Vaudran, ces crimes humanitaires ont forcément un impact direct sur les conflits : « Tous les chefs d’État sont conscients que ces situations humanitaires sont l’une des racines des conflits sur le continent et une des causes profondes de la pauvreté. Cela mène les gens à rejoindre les groupes armés. »
Pointé du doigt comme raison principale de cette crise : le changement climatique. Celui-ci est particulièrement notable en Afrique australe. Selon le PAM, les températures augmentent dans la région à un rythme deux fois plus élevé que celui observé sur le reste de la planète. « La saison de cyclones a débuté, on ne peut pas se permettre la répétition des dégâts de l’an dernier », alerte Lola Castro, la responsable du PAM, faisant référence notammentau cyclone Idai qui, en mars 2019, a fait de nombreuses victimes au Mozambique, au Zimbabwe et au Malawi.
« On ne peut pas parler de sécurité alimentaire en Afrique sans parler du changement climatique, estime en effet Palamagamba John Kabudi, le chef de la diplomatie tanzanienne, pays membre de la SADC, l’organisation régionale d’Afrique australe. C’est le moment crucial de réaliser que le changement climatique est un énorme problème. Ce n’est plus possible de le nier. Cela affecte l’Afrique. Pendant que nous parlons là, il y a des inondations, des cyclones, la sécheresse. Nous devons adopter des mesures pour limiter ce changement climatique pour pouvoir assurer la sécurité alimentaire de l’Afrique. Parce qu’il n’y aura pas assez de nourriture pour nourrir toutes nos populations. »
L’immense impact économique
Mais il reconnaît à demi-mot que tous les pays de l’organisation ne partagent pas cette urgence : « La plupart des pays africains réalisent l’urgence de la situation. [Mais] il y en a qui ne se rendent pas compte. Ceux-là, c’est à nous de les convaincre. Ça devrait être une des priorités de notre agenda pendant nos délibérations. » Et si la question du changement climatique doit donner lieu à une réunion de haut niveau en marge du sommet, l’UA n’a pas modifié son agenda et les discours en amont de la réunion n’ont pas évoqué cette crise de la faim.
Pourtant, Lesl Louw-Vaudran le répète, l’impact économique est énorme : « Le Zimbabwe a produit la moitié des volumes de maïs en 2019 par rapport à 2018. Ça donne une idée du problème. Pour un pays comme la Namibie, l’impact de la sécheresse se retrouve même lors des élections du mois de novembre. Par exemple, la Swapo [l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain, parti au pouvoir dans le pays, ndlr] a vu sa popularité chuter. Ça impacte l’économie et la politique. »
Et pour le ministre tanzanien, la demande est claire : « Nous avons besoin du soutien financier des autres organisations. Nous avons besoin de partenaires et d’expertise en matière d’agriculture et en matière de changement climatique. » L’argent, le nerf de la guerre qu’il est difficile de mobiliser malgré cette crise humanitaire. En janvier dernier, le PAM déclarait n’avoir reçu que 205 millions de dollars sur les 489 millions nécessaires pour venir en aide à la région.
Source :RFI Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée