Manne financière des Etats représentant généralement près de 90% de leurs revenus, les recettes fiscales à travers l’Afrique subiront un coup suite à la crise économique provoquée par la pandémie de la Covid-19. Pour le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), la réussite d’une gestion efficace passera par la capacité des administrations fiscales à être «innovantes» et «agiles».
« Aux grands maux les grands remèdes », résume le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF) qui publie ses recommandations aux administrations fiscales pour faire face à la crise provoquée par la Covid-19. Alors que ces recettes représentent la première source de revenus des Etats, la pandémie du coronavirus en hypothéquera une partie, cependant difficilement chiffrable pour l’instant.
Au sein des économies, le sujet suscite incertitudes et parfois inquiétudes, d’autant que les recettes fiscales africaines restent généralement faibles par rapport à leur potentiel. Le ratio impôt/PIB n’atteint pas les 30% en Afrique, avec de nombreux pays logeant en dessous des 10%, voire juste au-dessus. L’ATAF a émis une série de 18 recommandations aux administrations fiscales afin d’« alléger le fardeau de a Covid-19 sur leurs parties prenantes ». Au menu : le prolongement des délais, les plans de paiement flexibles, la réduction temporaire des taux d’imposition, l’exonération de la TVA sur certains produits, le remboursement fiscal pour les contribuables extrêmement touchés par la pandémie, entre autres. Plusieurs pays du Continent ont commencé à adopter ce protocole en l’adaptant à leurs réalités respectives. C’est le cas de l’Afrique du Sud, le Kenya, le Nigeria, Maurice ou le Cameroun. A côté, la majorité des pays du continent ayant adopté des plans de riposte économique y ont automatique introduit la donne fiscale, avec notamment la suspension pour trois mois de la collecte de certains impôts ou des contrôles fiscaux physiques, en vue d’alléger les entreprises.
Logan Wort, ex-haut responsable du Trésor sud-africain est depuis dix ans le secrétaire général de l’ATAF. Il répond à nos questions autour des pistes proposées à la fiscalité africaine face à la crise.
La Tribune Afrique – Ralentissement de la production, arrêt d’activités pour des secteurs clés,… Comment l’ATAF analyse-t-elle l’impact de la Covid-19 sur la fiscalité des pays?
Logan Wort – Il existe un consensus sur les secteurs clés les plus susceptibles d’être touchés par la pandémie, mais les estimations de l’impact sont basées sur divers scénarios qui peuvent se matérialiser ou changer avec le temps. Les rapports montrent que le taux d’infection en Afrique est inférieur à ce que les experts avaient prévu, bien qu’il puisse augmenter ou non. Il s’agit d’une situation en constante évolution et il est peut-être trop tôt pour chiffrer la perte de revenus potentielle sans une vision globale du niveau d’impact. L’impact dépendra du scénario qui se matérialise à différents moments. La situation est surveillée et la perte de revenus sera mieux estimée avec une meilleure compréhension de la tendance de l’infection en Afrique et des mesures mises en œuvre à travers le continent pour atténuer la pandémie.
L’ATAF recommande de privilégier le numérique. Les administrations qui n’avaient pas jusque-là digitalisé leurs services et systèmes auront-elles plus de mal à surmonter la crise selon vous?
Donner la priorité aux canaux numériques est essentiel à la continuité des opérations des administrations fiscales, tout en atténuant les risques pour la santé et la sécurité pendant la pandémie. Les administrations fiscales sans systèmes numérisés peuvent migrer vers d’autres plates-formes électroniques telles que les adresses e-mail dédiées, les plates-formes de messagerie instantanée …, pour les services internes et externes pendant cette période. Ils doivent avoir des directives claires qui sont publiées auprès de toutes les parties prenantes sur la manière dont les services seront fournis par ces canaux secondaires. Nous devons être innovants et agiles dans la façon dont nous gérons les défis présentés par la pandémie. La pandémie offre également aux administrations fiscales l’occasion d’apprécier et de comprendre la nécessité de numériser leurs processus et leurs systèmes.
La Covid-19 devrait plonger l’économie régionale dans la récession en 2020, selon la Banque mondiale et le FMI. Au regard des recommandations que vous faites et de l’évolution de la pandémie, les administrations fiscales disposeront-elles de marge de manœuvre pour poursuivre la collecte de l’impôt?
Il y a eu des récessions dans le passé et les autorités fiscales ont pu continuer à fournir des services à leurs parties prenantes. Il y a eu des leçons tirées à l’époque et il y en a à tirer dans le contexte actuel. Les administrations fiscales continueront de percevoir des impôts, parce que le gouvernement et la fourniture d’équipements sont un continuum et plus nécessaires dans une période exigeante comme celle-ci. La manœuvre nécessaire des autorités fiscales pendant cette période est l’acte d’équilibrage consistant à collecter des recettes pour la fourniture de biens publics indispensables, tout en travaillant avec les autorités compétentes pour mettre en œuvre des politiques fiscales qui faciliteront la croissance économique.
L’une des forces d’une économie est sa capacité à mobiliser des ressources internes. Alors que les pays s’endettent massivement pour répondre à la pandémie, le rôle de la fiscalité ne sera-t-il pas capital pour la reprise économique post-crise?
Les autorités fiscales ont toujours joué un rôle essentiel dans la croissance économique et le développement des économies africaines. Les défis économiques qui peuvent émaner de la pandémie rendent pertinent pour les autorités fiscales d’améliorer leur équilibre budgétaire en optimisant l’administration et la politique des recettes grâce à des systèmes de surveillance de la conformité améliorés, à l’efficacité administrative et à la collaboration avec toutes les parties prenantes concernées pour une élaboration et une mise en œuvre cohérentes des politiques qui facilitera la reprise économique et la croissance.
Source: La Tribune Afrique/Mis en Ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée