Ennahdha a fini par accepter d’accorder à Ettayar le ministère de la Justice et celui des Réformes administratives et de la Bonne gouvernance, avec pleins pouvoirs aux ministres.
Par ailleurs, Ettayar a un droit de veto sur le nom du ministre de l’Intérieur. Les islamistes ont présenté de tels sacrifices pour ne pas laisser Ettayar dans la confortable position d’opposant, excellent tremplin pour les prochaines élections. Ghannouchi a peur de l’actuel quinquennat et veut impliquer tout le monde.Jusqu’à vendredi, les observateurs avaient soutenu qu’Ennahdha avait décidé de s’associer à Qalb Tounes et le bloc Karama pour former le gouvernement de Habib Jamli. Les dirigeants islamistes, comme Noureddine Arbaoui et Imed Hammami, ont régulièrement affirmé que les exigences d’Ettayar étaient supérieures au poids de ce parti. «Avec 22 députés, ce n’est pas raisonnable de demander trois ministères importants», a clairement dit Ajmi Lourimi, député et l’un des leaders écoutés d’Ennahdha.
Mais, c’était sans compter sur les plans stratégiques de Ghannouchi, qui ne voulait pas laisser Mohamed Abbou et Ettayar dans la confortable chaise de l’opposant qui se limite à critiquer et promettre. Le leader d’Ennahdha veut que tout le monde mette ses mains à la pâte, lors des cinq prochaines années que tout le monde annonce comme très difficiles sur le plan socioéconomique. Ainsi, une réunion, de dernière minute, tenue vendredi autour du chef du gouvernement désigné par Ennahdha, Habib Jamli, a fait revenir les partis Ettayar, Echaâb et Tahya Tounes à de meilleurs sentiments. A sa sortie d’une réunion avec Rached Ghannouchi, Mohamed Abbou, Zouhair Maghzaoui et Youssef Chahed, le futur chef de gouvernement, Habib Jamli, a affirmé que «les négociations ont bien avancé et ce progrès est concret et sérieux et il y a encore une partie des ententes qui sera abordée demain, mais j’ai vu une grande volonté de la part des partis rencontrés de participer au gouvernement».
D’autres réunions se tiendront ce week-end, au niveau des partis et avec Jamli, pour valider les accords conclus et discuter les aspects finaux de la formation du gouvernement. Deux documents seront examinés. Le premier porte sur 16 points proposés à inclure dans la charte politique et le second concerne les demandes d’Ettayar concernant l’intégration de la police judiciaire dans les structures du ministère de la Justice et les attributions des organes de contrôle au ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative.
Compromis et craintes
Malgré cette percée spectaculaire, les déclarations des représentants de ce nouveau quartet oscillent encore entre optimisme et craintes. Ainsi, le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a assuré que la situation de blocage est en passe d’être résolue. Il a néanmoins souligné que «personne ne peut tout avoir ou tout perdre. Le fait que quatre partis soient en train de négocier, implique qu’aucun ne pourrait réaliser tous ses objectifs». Ghannouchi a estimé en outre que la composition du gouvernement devrait être annoncée au début de la semaine prochaine. Pour sa part, le président du bloc parlementaire de Tahya Tounes, Mustapha Ben Ahmed, a annoncé qu’un«accord initial a été établi à la lumière des nouveaux développements et l’idée d’un gouvernement d’intérêt national semble s’imposer». Toutefois, le député a indiqué qu’il ne s’agit pas d’un accord définitif et que la décision de participer ou non au gouvernement revient au conseil national du parti. Mustapha Ben Ahmed a, par ailleurs, demandé aux islamistes d’abandonner leur «hégémonisme», et exigé un droit de veto contre certains noms, en vue d’instaurer un véritable partenariat.
Les réserves d’Echaab
Des réserves plus appuyées ont été exprimées du côté du député du parti Echaab, Salem Labiadh, qui a publié un statut sur sa page Facebook où il a indiqué que l’offre politique présentée par le candidat à la primature, Habib Jamli, ne peut pas sauver le pays. «L’offre politique présentée, cet après-midi, par le candidat à la primature, Habib Jamli, pour l’avenir de la gouvernance en Tunisie, ainsi que son approche pour la formation du gouvernement, les mécanismes de son fonctionnement et son programme ne sont pas à la hauteur de la responsabilité nationale et éthique pour sauver un pays menacé de crises structurelles sur les plans économique, politique, financier, social et même sécuritaire. Arrêtons de jouer avec les espoirs des gens et l’avenir d’un pays exposé à des risques internes et à des conflits régionaux et internationaux», a expressément dit Labiadh dans sa publication. Son parti, Echaab, tient aujourd’hui un conseil national pour décider de sa participation au gouvernement. Quant au bloc Karama (les mécontents d’Ennahdha), il n’a pas assisté à la réunion de vendredi. Il n’est pas écarté qu’il soutienne le gouvernement Jamli, selon les propos de Jawhar Ben Mbarek, le coordinateur général du mouvement Destourna. Ce dernier et le chroniqueur Habib Bouajila ont joué les intermédiaires entre les composantes du quartet pour faire redémarrer le processus de formation du gouvernement Jamli.
Source: El Watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée