L’Ouganda a lancé, mardi 30 novembre, en concertation avec Kinshasa une opération militaire en République démocratique du Congo (RDC) contre des positions rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), accusées par le Congo de massacres de civils et par Kampala de récents attentats revendiqués par le groupe djihadiste Etat islamique (EI).
Frappes aériennes et tirs d’artillerie depuis l’Ouganda ont été annoncés dans la matinée presque simultanément par des sources officielles en Ouganda et en RDC. « Les actions ciblées et concertées avec l’armée ougandaise ont démarré aujourd’hui avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie à partir de l’Ouganda sur les positions des terroristes ADF en RDC », a indiqué sur Twitter le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya.
« Ce matin, nous avons lancé des frappes aériennes et d’artillerie conjointes contre des camps ADF avec nos alliés congolais », a également fait savoir sur le réseau social le porte-parole de l’armée ougandaise (UPDF, Uganda People’s Defence Force).
Des témoignages parvenus à Beni, chef-lieu du Nord-Kivu, province frontalière de l’Ouganda, ont ensuite fait état de l’entrée de soldats ougandais en RDC au poste frontière de Nobili, information non confirmée officiellement à ce stade.
« Réveillé au bruit des armes lourdes »
A partir de 5 heures (3 heures GMT), la chefferie (entité administrative) de Watalinga « s’est réveillée au bruit des armes lourdes », a déclaré à l’AFP le président de la société civile locale Zawadi Ngandanodette. Selon lui, des tirs provenaient du village ougandais frontalier de Butogo et partaient en direction du parc national des Virunga.
Les explosions ont provoqué la panique parmi la population mais la situation s’est ensuite calmée, a-t-il ajouté. Selon d’autres témoins, des explosions ont aussi été entendues à Nobili, ainsi que dans la province voisine d’Ituri, vers Boga et Tchabi, secteurs connus pour abriter de nombreux rebelles ADF.
Un conseiller de la présidence de RDC avait confirmé dimanche à l’AFP, sous couvert d’anonymat, des informations de sources diplomatiques selon lesquelles le président Félix Tshisekedi avait autorisé l’armée ougandaise à traverser la frontière pour combattre les rebelles des ADF. Il ajoutait toutefois qu’il fallait que « toutes les procédures soient respectées notamment au niveau du Parlement ».
Cette autorisation n’est pas vue d’un bon œil par tous les Congolais, certains pointant du doigt le rôle joué par les voisins ougandais et rwandais dans la déstabilisation de l’est de la RDC depuis près de trente ans.
Lors d’un briefing habituel consacré à l’état de siège instauré dans deux provinces de l’Est, le ministre congolais de la communication avait assuré, lundi, qu’il n’y avait « pas de troupes ougandaises » en RDC, mais que des « actions ciblées et concertées » étaient « envisagées avec l’armée ougandaise pour combattre les terroristes de l’ADF, notre ennemi commun ».
Etat de siège
A l’origine, les ADF étaient une coalition de groupes armés ougandais, dont le plus important était composé de musulmans opposés au régime du président Yoweri Museveni. Ils sont installés depuis 1995 dans l’Est congolais, où ils ont fait souche et sont considérés comme le plus meurtrier des multiples groupes armés sévissant depuis des décennies dans la région.
Depuis avril 2019, certaines de leurs attaques sont revendiquées par l’EI qui désigne le groupe comme sa « province d’Afrique centrale » (Iscap). En mars, les Etats-Unis ont placé les ADF parmi les « groupes terroristes » affiliés aux djihadistes de l’EI. Les experts sont toutefois partagés sur le degré de cette affiliation.
L’Ouganda a accusé « un groupe local lié aux ADF » d’être l’auteur d’un double attentat-suicide qui a tué quatre personnes le 16 novembre à Kampala et a été revendiqué par l’EI. Cet attentat était survenu trois semaines après deux autres attaques, un attentat à la bombe contre un restaurant de la capitale le 23 octobre et un attentat-suicide dans un bus près de Kampala deux jours plus tard.
Dans l’est de la RDC, le Nord-Kivu et la province voisine de l’Ituri sont placés depuis début mai sous état de siège, avec les autorités civiles remplacées par des officiers de l’armée et de la police. Malgré cette mesure exceptionnelle, l’armée n’a pu empêcher le massacre de près de 1 200 civils pendant cette période, selon un bilan du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), qui dispose d’experts dans les zones de ces violences.
Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée