Le Parlement libyen essaie de se réunir en Libye, pour retrouver sa légitimité. Berlin propose un congrès réunificateur en Allemagne. Les Américains d’Africom proposent de protéger l’aviation civile, puisque l’aéroport de Tripoli est fermé.
Le déclenchement, en avril dernier, de la guerre de Tripoli, a fermé les issues aux négociations, qui étaient alors en phase avancée, pour tenir le congrès de Ghadamès ; les invitations étaient déjà préparées par l’ONU. Après six mois de guerre, près de 1500 morts et plusieurs milliers de blessés, en plus de 100 000 personnes ayant quitté leurs logements, les débats reprennent timidement pour réunir les Libyens, la guerre de Tripoli n’est pas parvenue à les départager.
L’Allemagne a appelé, depuis plusieurs semaines, à réunir les Libyens de tout bord à Berlin, en vue de renouer le dialogue entre eux et préparer une plateforme pour des élections. L’Egypte et la Tunisie ont réuni, à plusieurs reprises, des Libyens toutes tendances confondues. Quelques dizaines de députés se sont réunis à Tripoli. 91 députés ont fait le déplacement au Caire à l’invitation des autorités égyptiennes.
Tunis a abrité, avant-hier, une réunion, sous l’égide de l’ONU, en présence de plusieurs personnalités libyennes, dont Mahmoud Jibril, le chef du premier gouvernement après la révolution. Tout le monde exprime sa disposition à négocier. Mais, personne n’a un véritable poids pour résoudre l’équation complexe libyenne, entre l’armée de Haftar, soutenue par l’axe de l’Egypte et des Emirats, et les groupes armés de Misrata, soutenus par l’axe Istanbul/Doha.
Tractations
La majorité des députés libyens est favorable au retour des activités du Parlement, à l’intérieur de la Libye. Ainsi, Driss Maghrébi, de l’Est, appelle à un retour de l’institution parlementaire pour «avoir un corps représentatif, qui nous réunit malgré nos différences et nos erreurs», souligne-t-il.
L’approche est partagée par le député frère musulman, Saad Jazoui, qui boycotte pourtant le Parlement depuis 2014. «L’essentiel, c’est de discuter entre Libyens et de mettre dehors les interférences étrangères», insiste-t-il. Jazoui est d’accord pour tenir une réunion du parlement à Ghat, au Sud libyen, préalable à la réunion de Berlin, pour dire que «nous avons encore des institutions».
«Le problème, c’est que les institutions libyennes, comme les deux gouvernements et le Parlement, ne sont plus crédibles, aussi bien chez la population que les organismes internationaux», constate amèrement le juge Jamel Bennour, révolutionnaire de première heure à Benghazi, en février 2011. Pour ce juge, «il y a un véritable problème de représentativité en Libye et la présence des armes, en quantité démesurée, a compliqué davantage la situation». Donc, que les Libyens se réunissent à Berlin ou Ghat, «l’essentiel, c’est qu’ils trouvent une solution libyenne», insiste le juge.
Grande fracture
La guerre de Tripoli se poursuit depuis plus de six mois, sans un véritable changement de positions sur le terrain. Les citoyens peinent sous l’impact de cette guerre absurde qui se prolonge indéfiniment ; l’aéroport de Myitiga est fermé depuis trois semaines. Ce blocage a poussé les acteurs politiques, notamment le Parlement de Tobrouk, à reprendre les tractations en vue de se réunir en Libye et retrouver un soupçon de légitimité.
«Je les hais tous. Ils ne pensent pas aux pauvres citoyens, victimes de cette guerre. Le pire, c’est qu’ils trouvent normal de se réunir, de nouveau, au même point de départ», dit avec plein d’amertume Salah, un entrepreneur de Aïn Zara, dont la demeure a été détruite par des bombardements de mortiers. Salah a dû loger avec sa famille à la cité El Andalous, où il a ses bureaux.
Le cas de Salah n’est pas unique. Les traces de la guerre sont très profondes en Libye et pas uniquement à Tripoli. Les victimes de la guerre appartiennent à toutes les régions libyennes, même si les combats se déroulent autour de la capitale. Les cercueils des victimes défilent quotidiennement sur les routes libyennes. Les blessés remplissent les hôpitaux libyens et les avions en partance vers l’étranger.
Le budget de la guerre est énorme et se chiffre en milliards de dollars, alors que les Libyens souffrent de la cherté de la vie de la vie. «Les Libyens souhaitent que la voix de la raison l’emporte. Les puissances étrangères, vivant paisiblement, alimentent cette guerre et nous laissent dans la m…», dit Najah, une institutrice de 42 ans, originaire de Zentane, dont le mari est mort dans la guerre, lui laissant trois orphelins. «Je ne pardonnerai jamais à tous ceux qui nous ont entraîné dans cette guerre», dit-elle, très triste. La fracture est désormais très profonde au sein de cette population libyenne, meurtrie par la guerre.
Source: El watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée