L’acte de transfert de propriété des 26 œuvres qui seront restituées par la France au Bénin est signé mardi 9 novembre à l’Élysée en présence des présidents Emmanuel Macron et Patrice Talon, clôturant un processus initié il y a quatre ans. Une fois le document signé, un avion-cargo part direction Cotonou où sont attendues, mercredi 10 novembre, les pièces, dont trois grandes statues royales bocio, des trônes, des sièges et des autels portatifs.
En novembre 2017, à Ouagadougou, le président français Emmanuel Macron s’engage à rendre possible dans un délai de cinq ans les restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain. Au mois de mars 2018, il pose alors les premiers jalons de cet acte de restitution lors de la réception à l’Élysée du président béninois :
« Je souhaite que nous puissions travailler dès maintenant avec vous, cher président Talon, sur une plus grande circulation des œuvres entre nos deux pays », dit alors Emmanuel Macron.
Sept mois plus tard, le 23 novembre 2018, l’Élysée annonce la restitution des 26 œuvres au Bénin : seront notamment rendues des pièces de l’ancien royaume du Danhomè, pillées par le colonel Dodds lors du sac du palais d’Abomey en 1892. L’annonce est faite le jour où les universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr remettent le rapport qu’Emmanuel Macron leur a commandé sur le sujet.
Pour Felwine Sarr, l’annonce est un acte fondateur : « C’est vraiment un moment historique, parce que l’histoire est en train de se mettre en marche à présent. Et ce qui se joue est absolument fondamental, donc c’est symbolique, mais cela aura un impact dans les autres champs de la relation. »
Le processus s’engage alors. Cotonou demande à la France de soutenir la construction à Abomey d’un musée susceptible d’accueillir les œuvres. Des missions de l’Agence française de développement et des ministères de la Culture et des Affaires étrangères se rendent sur place en 2019.
Paris vote une loi spécifique pour les restitutions
Pour permettre cette restitution, une loi spécifique est votée un an plus tard par le Parlement français, le 17 décembre 2020. Et même si les sénateurs, qui souhaitent mieux encadrer la politique de restitutions, ont refusé de voter le texte, le retour de ces 26 pièces au Bénin a fait consensus.
Le processus aura finalement duré près de trois ans. Entre blocages, retards et autres, tout n’aura pas été si simple. Ce qui n’étonne guère l’historienne de l’art Bénédicte Savoy :
Tous les cas de restitution dans l’histoire ont montré que, quand des pays qui ont été dépossédés, se réapproprient leur patrimoine, dans un premier temps, ils ne savent pas exactement comment le gérer. Et c’est normal, on sait gérer un patrimoine quand on l’a.
Pour Cotonou, le début d’autres processus
La France a justement souhaité aider les autorités béninoises à mettre en valeur les pièces restituées. L’Agence française de développement a ainsi effectué un prêt de 25 millions d’euros pour la construction du musée et la rénovation des palais d’Abomey. À cela s’est ajouté un don de 10 millions pour l’accompagnement technique et la formation, des actions de sensibilisation et de formation seront également entreprises.
Soit une coopération muséale dont s’est récemment félicité Aurélien Agbénonci, le ministre béninois des Affaires étrangères : « C’est ici le lieu de saluer l’esprit de compréhension mutuelle et le dialogue constructif qui ont prévalu entre les administrations béninoises et françaises, concernées tout au long de ce processus, et qui ont permis, face aux obstacles et polémique de tout ordre, d’accroître le champ de nos convergences plutôt que celui d’une inévitable divergence. »
Pour les autorités béninoises, ces retours ne marquent pas pour autant la fin d’un processus, mais le début d’une nouvelle histoire qui doit se concrétiser à terme par d’autres restitutions.
José Pliya, chargé de mission patrimoine et tourisme à la présidence béninoise, explique : « Nous poursuivons l’effort pour que, au-delà du premier effort de 26 pièces, celles qui ont été pillées par d’autres militaires et celles prises par des administrateurs coloniaux fassent également l’objet de discussions et qu’elles entrent dans le projet de restitution. Nous insistons toujours sur cette idée de restitution, circulation, et la statue du dieu Gou reste réellement une quête majeure sur laquelle nous continuons de travailler. »
En attendant d’autres retours, les 26 œuvres du trésor royal d’Abomey vont, elles, retrouver leur pays d’origine mercredi 10 novembre. Une cérémonie est prévue pour fêter leur arrivée sur le sol béninois.
Des précautions particulières pour chaque œuvre
Alain Godonou, directeur du programme musée à l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT) au Bénin, explique les précautions prises pour recevoir les pièces. Il va jouer un rôle central dans le suivi de ces œuvres, notamment en faisant le constat de leur état.
Alain Godonou, directeur du programme musée à l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT) au Bénin, explique les précautions prises pour recevoir les pièces.
Après une période d’acclimatation, elles seront exposées au palais de la présidence. Mais elles ne rejoindront leur écrin – le musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomè – que d’ici trois ans environ. Elles seront, avant cela, exposées au fort portugais de Ouidah.
Les Béninois partagés
Selon Calixte Biah, conservateur du musée d’Histoire de Ouidah, les précautions prises pour chaque œuvre prennent en compte les spécificités de chacune d’entre elles. « Il n’y a pas une œuvre qui prend le dessus sur l’autre », dit-il en démontant les œuvres à Paris.
Calixte Biah, conservateur du Musée d’Histoire de Ouidah, explique que chaque pièce est considérée comme importante
En attendant leur arrivée, les Béninois se disent d’ores et déjà très partagés au sujet de ces restitutions. Beaucoup accusent la France de ne restituer qu’une partie des œuvres, mais d’autres se réjouissent.
Face au retour de 26 pièces depuis la France, des Béninois partagés entre méfiance et joie