Onze semaines après la prise des pleins pouvoirs par le président, Kaïs Saïed, la Tunisie s’est dotée lundi 11 octobre d’un nouveau gouvernement, a annoncé la présidence dans un communiqué.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, la formation du gouvernement a été confiée à une femme, l’universitaire Najla Bouden, mais celle-ci ainsi que son équipe jouiront de prérogatives considérablement réduites après le coup de force de M. Saïed. Mme Bouden a été nommée le 29 septembre, plus de deux mois après le limogeage, le 25 juillet, du premier ministre Hichem Mechichi par le chef de l’Etat, qui a également gelé le Parlement et pris en main le pouvoir judiciaire.
Dans un discours lors de la prestation de serment, Mme Bouden, 63 ans, a affirmé que « la lutte contre la corruption sera le plus important objectif » de son gouvernement, qui compte 25 membres outre sa chef. Parmi eux, Samir Saïd, un banquier, a été nommé ministre de l’économie et de la planification.
Seuls deux ministres dans le nouveau gouvernement, ceux des affaires étrangères, Othman Jarandi, et de l’éducation, Fethi Sellaouti, sont des rescapés de l’exécutif limogé. Le portefeuille de l’intérieur a échu à Taoufik Charfeddine, un avocat proche de M. Saied qui avait occupé ce poste en 2020, avant d’être limogé par l’ex-premier ministre Hichem Mechichi.
Manifestations contre le président
L’annonce du nouveau gouvernement survient au lendemain d’une nouvelle manifestation à Tunis contre les mesures d’exception décidées par M. Saïed, à laquelle ont participé au moins 6 000 personnes dans la capitale.
Après deux mois d’incertitudes, M. Saïed a promulgué le 22 septembre un décret officialisant la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaurant des « mesures exceptionnelles », censées être provisoires, le temps de mener des réformes politiques, dont des amendements à la Constitution de 2014. En pleine crise socio-économique et sanitaire et après des mois de blocage politique, M. Saïed avait invoqué un « péril imminent » pour justifier ses actions, dénoncées comme un « coup d’Etat » par ses opposants et des organisations non gouvernementales.
Lundi, M. Saïed a réaffirmé devant le nouveau gouvernement que les mesures qu’il a prises depuis juillet visaient à « sauver l’Etat des griffes de ceux qui le guettent, à la maison comme à l’étranger, et de ceux qui voient leur fonction comme un butin ou un moyen de piller les fonds publics ». « Ils ont allègrement pillé l’argent du peuple », a-t-il dit, sans identifier les parties visées par ses critiques. M. Saïed s’est engagé à jeter « dans les prochains jours » les bases « d’un dialogue national » destiné à sortir le pays de la crise.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée