Le continent reste une zone de transit pour les stupéfiants destinés au marché européen. En particulier la cocaïne avec des records de saisies depuis 2019.
L’année 2019 aura enregistré un record de saisies de cocaïne en Afrique et marqué le retour du continent dans le grand jeu des trafiquants qui l’utilisent depuis une quinzaine d’années pour s’ouvrir les portes de l’Europe.
Selon les dernières estimations de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), les récentes saisies de cocaïne en Afrique de l’Ouest, notamment au Cap-Vert, en Guinée Bissau, en Gambie et au Sénégal, atteignent 42 tonnes entre 2019 et 2021.
Pour la seule année 2019, une vingtaine de tonnes ont été saisies sur le continent, dont 80% en Afrique de l’Ouest.
« L’Afrique se consolide comme la première route en ce qui concerne le trafic de cocaïne vers l’Europe« , affirme Amado Philip de Andrés, le nouveau directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de l’UNODC.
En janvier dernier, trois tonnes de cocaïne ont été ainsi saisies à Banjul, la capitale gambienne, tandis qu’au mois de mars, la marine française a saisi six tonnes de cette même drogue au large de la Côte d’Ivoire.
Pour comprendre cette situation, il faut remonter une quinzaine d’années en arrière, aux alentours de l’année 2005. A cette époque, les trafiquants sud-américains de cocaïne commencent à comprendre que leur business a changé et que l’Afrique est la solution à leur problème.
La saturation du marché américain, l’indépendance accrue des cartels mexicains et la fermeture de la route des Caraïbes les conduisent à rediriger leur production vers le marché européen, en utilisant l’Afrique comme une étape intermédiaire.
D’ailleurs, dans un article publié en avril 2009 dans la revue African Affairs, l’historien et africaniste britannique Stephen Ellis rappelait que les narcos colombiens n’avaient fait que réactiver des vieux réseaux et un savoir-faire assoupi : en effet, les trafiquants libanais utilisaient, depuis les années 1950, l’Afrique de l’Ouest comme zone de transit pour exporter de l’héroïne aux Etats-Unis et les Nigérians s’étaient déjà forgé une solide expérience, dans les années 1980, avec le haschich et la cocaïne.
50 tonnes de cocaïne par an
A partir du milieu des années 2000, le trafic de cocaïne explose donc en Afrique, accélérant la baisse du prix du gramme de cocaïne dans les villes européennes. Celui-ci a atteint son niveau le plus bas en 2009, avant de remonter légèrement mais en près de deux décennies, les tarifs ont été réduits de plus de 25%.
L’UNODC a plusieurs fois alerté le monde sur cette « attaque » sur l’Afrique et estime qu’environ 50 tonnes de cocaïne destinées au marché européen transitent chaque année par le golfe de Guinée.
Le phénomène est assez similaire avec l’héroïne. Les trafiquants qui transportent la production qui provient essentiellement d’Afghanistan s’efforcent désormais d’éviter la traditionnelle route des Balkans, très surveillée, en faisant un détour maritime par l’Afrique de l’Est.
Selon le Rapport mondial sur la drogue 2020, établi par l’UNODC, si l’Afrique ne représente que 2% des saisies mondiales d’héroïne et de morphine, la tendance est à la hausse. Celles-ci ont en effet doublé en 2018 pour atteindre 3,1 tonnes, soit dix fois plus qu’en 2008, et plus de 90% des prises ont été réalisées en Afrique de l’Est et du Nord.
L’explosion du tramadol
Si la cocaïne et l’héroïne sont des drogues de transit qui ne sont pas produites sur le continent africain, la situation est différente avec le haschich, ou cannabis, puisque celui-ci est largement cultivé en Afrique et transporté vers l’Europe, notamment par des réseaux nigérians.
En 2018, les saisies de cannabis y ont augmenté de moitié et l’Afrique, avec le recul du trafic en Amérique du Nord, lié à la légalisation de la consommation dans certains Etats américains et au Canada, se place désormais au second rang mondial derrière l’Amérique du Sud.
Quant au Maroc, il continue d’être un cas unique dans le monde puisque ce pays situé aux portes de l’Europe continue de cultiver près de 50.000 hectares de cannabis pour une production estimée en 2018 à plus de 24.000 tonnes.
Enfin, il y a le tramadol. Cet antalgique développé par une entreprise allemande dans les années 1970 a vu son usage non médical se diffuser dans toute l’Afrique de l’Ouest. Les saisies sont passés de huit tonnes en 2013 à 125 tonnes en 2017, représentant près de 90% des saisies mondiales de tramadol.
Les pays les plus concernées par le trafic et la consommation de ce médicament moins cher que l’héroïne sont le Nigeria, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Niger.
Toutefois, les saisies enregistrées en 2018 marquent un net recul, sans doute imputable à une rupture des approvisionnements depuis l’Inde, où le tramadol est produit.
Cette interruption a fait arriver sur le marché un produit de substitution, l’anti-douleur diclofenac, aussi connu sous le nom commercial de Voltarène. Mais ce produit n’étant pas un opioïde, l’UNODC redoute que cela « incite les consommateurs qui attendent des effets récréatifs ou psychoactifs à en augmenter dangereusement la dose.«
Source : Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée