Après avoir mis en garde la chaîne d’informations France 24, en mars, pour sa couverture du mouvement Hirak, l’Algérie a décidé de lui retirer son accréditation en raison de son « hostilité manifeste et répétée », a annoncé, dimanche 13 juin, le ministère de la communication.
Ce retrait est aussi motivé par « le non-respect des règles de la déontologie professionnelle, la désinformation et la manipulation ainsi qu’une agressivité avérée à l’égard de l’Algérie », a affirmé Ammar Belhimer, également porte-parole du gouvernement, cité par l’agence de presse officielle Algérié Presse Service (APS). Cette décision survient au lendemain d’élections législatives anticipées marquées par un fort taux d’abstention.
La dépêche de l’APS rappelle que le gouvernement algérien avait adressé le 13 mars « un dernier avertissement avant retrait définitif » de son accréditation à France 24, en mettant en cause sa « couverture des marches du vendredi », une référence aux manifestations du Hirak, le mouvement populaire de contestation du régime.
La chaîne d’information, qui a encore couvert samedi les législatives en direct d’Alger, a réagi en soirée en se disant étonnée « de ne pas avoir reçu d’explication » sur ce retrait des accréditions de ses correspondants.
« Notre couverture de l’actualité algérienne se fait dans la transparence, l’indépendance et l’honnêteté », a dit France 24 dans un message lu à l’antenne. Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), le ministère des affaires étrangères français s’est refusé à tout commentaire.
Une procédure opaque et aléatoire
Le 13 mars, France 24 avait déjà assuré faire son « travail le plus honnêtement possible ». « Nous faisons juste notre travail de journalistes dans le respect des règles en vigueur », avait dit à l’Agence France-Presse (AFP) Marc Saikali, directeur de France 24. En juillet 2020, Moncef Aït Kaci, correspondant de France 24, et le caméraman Ramdane Rahmouni avaient été placés en détention préventive avant d’être libérés vingt-quatre heures plus tard. Moncef Aït Kaci vit à Alger et a couvert le scrutin législatif pour le service français de France 24.
Depuis des années, les médias étrangers travaillant en Algérie sont soumis à une procédure d’accréditation bureaucratique, opaque et aléatoire. Le directeur de l’AFP pour l’Algérie, Philippe Agret, nommé en octobre 2019, n’a jamais obtenu d’accréditation des autorités. Aucun motif n’a été fourni à ce sujet. Et les conditions de travail sont difficiles pour les journalistes algériens, sur fond de répression du Hirak par les autorités.
Né en février 2019 d’un rejet d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, le mouvement s’est poursuivi malgré l’éviction de M. Bouteflika et de son clan, puis l’élection d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune.
Le Hirak réclame le démantèlement du système de gouvernance en place depuis l’indépendance, en 1962. Les autorités affirment que les principales revendications du mouvement ont été satisfaites.
Après avoir boudé la présidentielle de la fin de 2019, puis le référendum constitutionnel de la fin de 2020, la population algérienne s’est de nouveau détournée des urnes lors des législatives organisées samedi pour tenter d’affermir la légitimité du gouvernement. Selon des chiffres officiels, le taux d’abstention a avoisiné 70 %.
Source : Le Monde Afrique/ Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée