Deux responsables de la contestation en Guinée contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé ont été arrêtés vendredi par des membres d’un service de sécurité, ont rapporté hier des médias citant leur entourage.
Ils ont été et emmenés vers une destination inconnue. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno ont donné plus tôt dans la journée une conférence de presse pour dénoncer les arrestations arbitraires, a indiqué Abdoulaye Oumou Sow, porte-parole du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif auquel ils appartiennent et qui mène le mouvement de protestation depuis bientôt cinq mois.
Les deux hommes sont présentés comme des lieutenants d’Abdourahmane Sanoh, coordinateur du FNDC. Des hommes encagoulés ont forcé l’entrée de la maison d’Ibrahima Diallo et ont mis les lieux à sac, a rapporté le porte-parole. «Ils sont entrés dans la maison et ont commencé à tout saccager.
J’ai tenté d’établir le dialogue, mais l’un d’entre eux m’a poussée violemment», a déclaré Asmaou Diallo, épouse d’Ibrahima Diallo. Puis, les deux hommes ont été emmenés, ont rapporté l’épouse et le porte-parole, ajoutant être depuis sans nouvelles d’eux. Ils ont affirmé que l’intervention avait été menée par des membres de la Brigade de recherche et d’interpellation (BRI), un service de sécurité guinéen.
Contrôleur général et porte-parole de la police, Mamadou Camara affirmé ne pas être «au courant». Selon lui, la BRI relève directement du Premier ministre et non de la direction générale de la police.
Par ailleurs, le journaliste français Thomas Dietrich a été reconduit à la frontière après l’annulation de son accréditation, a indiqué le ministère de la Sécurité, invoquant dans un communiqué «des activités incompatibles avec (la) mission» du journaliste et une immixtion dans «les activités politiques internes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public».
Impasse
La Guinée est en proie depuis mi-octobre à la contestation contre le projet prêté au président Alpha Condé de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat fin 2020.
Au moins 31 civils et un gendarme ont été tués à ce stade. Le président, qui entretient le flou sur ses intentions, vient de reporter un référendum constitutionnel initialement prévu le 1er mars. L’opposition juge le report du scrutin insuffisant, puisque, selon elle, il «ne répond nullement à la demande légitime du peuple de renoncer au troisième mandat et au référendum constitutionnel».
Il «ne résout pas les questions d’inclusion, de transparence et de crédibilité du processus électoral. Notre lutte est loin d’être achevée», a dit le FNDC Mercredi, les autorités guinéennes ont décidé d’interdire des manifestations contre le président Alpha Condé prévues le lendemain par l’opposition, qui a appelé à maintenir les protestations.
Après avoir connu l’exil et la prison, l’opposant Alpha Condé remporte la présidentielle le 7 novembre 2010 face à l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, devenant le premier président démocratiquement élu du pays. En juillet 2011, il sort indemne d’une attaque menée par des militaires contre sa résidence. Il accuse plusieurs personnalités et met en cause le Sénégal et la Gambie, qui démentent.
En 2012, de nombreuses manifestations violentes éclatent à cause du délabrement des services publics, la corruption et la brutalité des forces de l’ordre. L’opposition multiplie les manifestations pour exiger des législatives transparentes, reportées depuis 2011. En 2013, plusieurs manifestations dégénèrent en affrontements avec les forces de l’ordre, faisant une cinquantaine de morts. Le 11 octobre 2015, Alpha Condé est réélu président, au terme d’un scrutin marqué de violences.
En février 2018, le parti au pouvoir remporte les premières élections locales organisées depuis 2005. Résultat contesté par l’opposition et donnant lieu à plusieurs manifestations et journées «ville morte».
Source: El Watan/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée