Les gisements en terres rares du Burundi attirent des entreprises étrangères pour la fabrication des aimants des éoliennes. Le gouvernement, lui, espère renégocier les accords.
Les gisements en terres rares du Burundi intéressent des entreprises étrangères comme la britannique Rainbow Mining car ces minerais sont utilisés notamment dans la fabrication des aimants des éoliennes.
Mais les nouvelles autorités du Burundi ont durci leur politique ces derniers mois face aux multinationales et suspendu certaines de leurs activités, notamment sur le site de Gakara, à une trentaine de kilomètres de Bujumbura.
« Des crapules! »
En mars dernier, le Premier ministre burundais comparait les entreprises minières étrangères à des « crapules » qui viennent piller le sous-sol du pays, sans que l’exploitation des gisements ne profite à la population.
Les autorisations ont été suspendues officiellement en juin ainsi que les permis d’exporter les terres rares.
Le gouvernement espère renégocier les termes des conventions minières signées à partir de 2015 sous la présidence de Pierre Nkurunziza pour une durée de 25 ans.
L’écrivain burundais David Gakunzi y voit plusieurs explications possibles. « A l’époque », explique-t-il, « le secteur devait rapporter gros à l’Etat au niveau fiscal mais il semblerait que ce ne soit pas le cas aujourd’hui. Deuxième explication possible : les revenus du secteur avaient été monopolisés par des proches du président Nkurunziza et il s’agirait cette fois-ci de redistribuer ces revenus à d’autres nouveaux arrivants au niveau du pouvoir. Troisième explication possible : une volonté de normalisation du régime pour avoir accès aux financements internationaux ».
L’Etat a du poids… et des responsabilités
Dans ces négociations, rappelle David Gakunzi, l’Etat burundais peut faire face aux compagnies en faisant valoir son droit inaliénable à disposer des ressources naturelles du pays, reconnu par le droit international. D’autant que la législation actuelle lui garantit une participation au conseil d’administration des sociétés mixtes qui exploitent ces ressources.
Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome) au Burundi, souligne par ailleurs un point important à ses yeux :
« Les compagnies font du profit. C’est seul le gouvernement burundais qui a un mandat de protéger la chose publique et de développer le pays selon les ressources dont il dispose. Il est clair que ces conventions ont été mal négociées. Mais qui a mal négocié ? Les mandataires publics ! ».
Evariste Ndayishimiye, le président de la République du Burundi
Gabriel Rufyiri et l’Olucome, qui prônent la transparence, réclament au « gouvernement actuel [qu’il] recherche ces personnes et les sanctionne » car pour eux, il est évident qu’« il y a eu corruption dans ces dossiers ».
Des mesures à prendre
Parmi les mesures préconisées par Gabriel Rufyiri : le renoncement aux commissionnaires et à l’attribution des marchés de gré à gré (il faut selon lui des appels d’offres publics enregistrés), la publication de tous les revenus du secteur minier, l’adaptation du code minier aux standards internationaux et l’adhésion du pays aux organes de contrôle et de suivis internationaux.
Il précise qu’« il faut des organes, des institutions en charge de la gestion de ce secteur qui soient compétentes, avec des individus intègres qui soient capables de refuser la corruption. Il faut que le gouvernement adhère aux mécanismes internationaux : ceux de la région, la CIRGL(Conférence internationale des Grands Lacs), et de l’ITIE, l’Initiative des industries extractives. »
Volonté politique et bien commun
C’est seulement lorsque les activités minières seront sorties de l’opacité que les bénéfices générés par le secteur pourront profiter à la population burundaise … s’il y a une volonté politique en ce sens, nuance toutefois David Gakunzi.
« Les ressources minières en soi ne produisent pas de développement », rappelle-t-il. « C’est la politique minière qui peut produire le développement. Une politique basée sur la responsabilité sociale, c’est-à-dire qui inclut le devoir de construire des infrastructures collectives, le devoir de promouvoir l’emploi des jeunes, l’emploi local, le devoir de renforcer les communes locales, de prendre en compte les intérêts des populations locales, l’importance de faire participer la société civile à la politique minière et, bien entendu, la liberté de la presse. On ne peut pas combattre la corruption, on ne peut pas promouvoir la transparence s’il n’y a pas de liberté de presse, si les journalistes ne sont pas à même de travailler dans des conditions sécurisantes ».
Mais David Gakunzi déplore qu’il soit difficile de discerner la ligne politique dominante des nouvelles autorités burundaises en la matière. Il rappelle qu’une mauvaise gestion des ressources minières peut aussi « être productrice de conflit et source de crises ».
Source: Deutsche Welle Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée