Le Dialogue national, réclamé par des franges importantes de la société malienne, est l’une des principales missions du Gouvernement d’ouverture mis en place le dimanche 5 mai 2019. C’est la substance de l’accord politique de Gouvernance conclu le jeudi 2 mai et qui a concrétisé l’engagement d’acteurs politiques et de la société civile auprès du Président pour l’accompagner dans la conduite des affaires publiques de notre pays.
Au moment où certains de ceux-ci dénoncent le processus initié, des interrogations sont légitimement posées quant à la volonté du pouvoir de s’engager dans un véritable exercice qui abordera les questions essentielles pour la refondation de l’Etat malien et la sortie durable de crise du pays. Cela est pourtant indispensable si l’on veut éviter un énième exercice de style non productif. Les autorités doivent mesurer les attentes légitimes à l’égard du dialogue et s’inscrire dans une démarche de fond visant les causes réelles de l’enlisement du Mali.
Dans cette optique, il est souhaitable de fixer un objectif stratégique au dialogue et de lui donner des contenus utiles afin de rassurer nos compatriotes et les nombreux responsables aujourd’hui dubitatifs. Le dialogue national doit avoir comme objectif principal l’appropriation par les Maliens de leur pays ! Il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des Maliens (de l’intérieur et de la diaspora) s’approprient, se saisissent et portent le Mali et son destin. Qu’ils s’engagent tous à fournir les efforts nécessaires afin de sortir le pays des difficultés et renvoient ainsi un signal fort à tous ceux qui, de la communauté internationale, sont au chevet du Mali pour qu’ils sachent que désormais les parties maliennes sont prêtes à faire leur part d’effort !
Partant de là, que les Maliens ne seront plus suiveurs des autres dans la recherche des solutions à leurs problèmes. Cet objectif principal peut être décliné en objectifs spécifiques, permettant d’aborder l’ensemble des questions aussi bien conjoncturelles que structurelles se posant au pays. Six axes majeurs peuvent être tracés dans cette perspective.
Le premier axe se traduira par l’identification des voies et moyens permettant aux Maliens de s’approprier de la crise du Nord en vue de sa résolution rapide et définitive. La mise en œuvre de l’Accord de paix, les réformes politiques et territoriales, l’approfondissement de la décentralisation, les solutions permettant de bannir à jamais les rébellions figurent, entre autres, au menu de cet axe.
Le second axe majeur visera à identifier et conduire les actions permettant aux Maliens de s’approprier des questions relatives aux conflits intercommunautaires du Centre et de s’impliquer pour les résorber rapidement. Le démantèlement des milices, la question des chasseurs traditionnels, la présence de l’Etat à travers ses services, la justice et les réparations, la cartographie des zones de tensions pour anticiper les conflits probables doivent être abordés. La sanction de toutes exactions des forces de sécurité, l’implication des autorités traditionnelles et religieuses dans la pacification, la création de consensus locaux mis en œuvre par l’administration seront entre autres des sujets à aborder devant faire l’objet de résolutions et d’actions à la suite du dialogue.
Le troisième axe stratégique du dialogue consistera à concrétiser l’appropriation par les Maliens des questions de sécurité et de terrorisme. il convient d’aborder tous les angles de traitement de ces sujets, les raisons fondamentales de la prolifération terroriste, les causes profondes (religieuses, socioéconomiques, diplomatiques, sécuritaires, politiques…), comment répondre efficacement aux équations posées, la question du dialogue avec les terroristes, les réponses locales, les réponses socioculturelles et religieuses, les rôles de l’administration et de l’Etat, les réformes sécuritaires et les rôles des Maliens, les questions de sécurité interurbaine, rurale, urbaine, la circulation des armes,…
Le quatrième axe, vise à permettre aux Maliens de convenir des moyens qui leur permettront de s’approprier les institutions républicaines, le système démocratique et le fonctionnement normal de la vie publique en portant les réformes constitutionnelles, institutionnelles, législatives et réglementaires nécessaires. Cet axe devrait permettre de fixer un chronogramme pour les échéances à tenir afin de boucler les cycles électoraux des années précédentes (scrutins locaux, régionaux, communaux partiels et législatifs).
Le cinquième axe du dialogue imaginera comment les Maliens s’approprieront des questions de l’administration du pays, de la gouvernance et de la citoyenneté en œuvrant à la mise en place d’un pacte national d’exemplarité comportant pour chacun, des efforts à fournir afin de conforter l’ensemble national. Tous les changements de comportement à adopter sont à codifier afin que les citoyens fassent enfin confiance en l’Etat et en ses serviteurs, et que ceux-ci s’engagent à leur tour sur le chemin du renforcement de la nation, de la famille, du quartier, du village, de la fraction, de la commune, de la ville, du cercle, de la région, etc. Les Maliens doivent s’entendre au terme de cet exercice sur les actes qu’un leader doit poser et ceux qu’il s’abstiendra de commettre, qu’il soit chef de service, maire ou président de la République, le tout étant assorti des sanctions appropriées. La redevabilité à tous les postes de responsabilité devra être imposée ainsi que les sanctions visant l’interruption de tout mandat public en cas de défaillance. Une administration au service des usagers, l’évaluation de chaque responsable, la transparence dans l’exercice de tout mandat, la probité à toute épreuve à tous les niveaux et des sentinelles vigilantes pour mettre chacun sous pression seront érigées.
Le dernier axe du dialogue national devra traiter des moyens permettant aux Maliens de s’approprier de la vie sociale et des relations entre l’Etat et les acteurs sociaux en mettant en place un cadre d’anticipation et de gestion des conflits qui maintient la stabilité du pays. Les équipes en charge de l’organisation de cet exercice doivent concevoir les termes de références en abordant de manière exhaustive et inclusive les maux du pays.
Quand les acteurs se reconnaîtront dans les termes de référence, il y a de bonnes chances que le dialogue soit conduit avec leur complète adhésion. L’étape de préparation et de validation des termes de références sera de ce fait déterminante. Le déroulement de la phase des discussions sera également crucial. Il est indispensable que les travaux soient conduits à l’intérieur du pays, mais aussi au niveau de la diaspora. Un démarrage au niveau des cercles, des communes de Bamako et dans les pays de résidence de nos compatriotes de la diaspora peut être conseillé.
Une seconde phase de synthèse pourra être envisagée à l’échelle régionale, du district de Bamako et par Continent pour les Maliens de l’extérieur. Enfin une synthèse finale peut être envisagée au niveau central pour aboutir à des conclusions sur chacune des thématiques envisagées. A chaque niveau et quel que soit le lieu géographique, les débats doivent réunir des acteurs représentatifs des diversités de notre pays. Cela conditionne la qualité des échanges, mais aussi l’engagement de tous à appliquer les conclusions convenues. Comme stipulé dans l’Accord politique de gouvernance, la plénière du Dialogue devra désigner le comité en charge du suivi de la mise en œuvre des conclusions des débats. Ce comité ad hoc doit être fonctionnel afin de prendre le relais des organisateurs et facilitateurs choisis dont certains peuvent l’intégrer. Le Comité s’emploiera à obtenir des Autorités un plan de mise en œuvre des conclusions du dialogue dont il assurera le suivi. Le plan inclura toutes les réformes à conduire et les textes à adopter. Il devra être publié pour que la Nation soit informée du processus. Le comité publiera également des rapports réguliers sur l’exécution du plan afin que chacun suive le processus.
Souce: La Tribune Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée