Le procès de Paul Rusesabagina a commencé au Rwanda alors que les circonstances de son interpellation restent troubles, du côté de la communauté internationale les réactions sont timides.
Son histoire lors du génocide au Rwanda avait inspiré le scénario du film « Hôtel Rwanda »… L’ancien directeur de l’hôtel des Mille Collines à Kigali, devenu un féroce critique du régime du président rwandais Paul Kagamé, est notamment jugé pour terrorisme. Le Parlement européen a ainsi demandé que les droits de Paul Rusesabagina soient respectés lors du procès et a réclamé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de son interpellation.
Paul Rusesabagina lors de son procès à Kigali le 17 février 2021La peur du changement politique
Les Etats-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, ont souhaité pour leur part qu’il ait un procès équitable… mais il n’y a, du moins pour le moment, rien de contraignant. Pour Boniface Musavuli, écrivain et analyste politique spécialiste de la région des Grands lacs, le peu de pression de la communauté internationale sur le pouvoir de Kigali a une explication.
« Depuis le génocide de 1994il y a une sorte de silence de la part de la communauté internationale ou en tout cas un laisser faire et une volonté constante de ne pas sanctionner. Dans la conscience de la communauté internationale je crois qu’il y a une peur que s’il y a un changement au Rwanda, une alternance ne pourrait s’opérer que de manière violente et brutale. Et compte tenue de l’accumulation des haines et des frustrations à l’intérieur de la société rwandaise et des blessures historiques, il y a une sorte de peur à soutenir des initiatives visant à apporter un changement politique au Rwanda » précise t-il.
Dans l’affaire Rusesabagina, ses avocats ont accusé le régime rwandais de l’avoir fait « enlever ». L’ONG Human Rights Watch a également dénoncé une « disparition forcée ».
Le Parlement européen a demandé que les droits de Paul Rusesabagina soient respectés lors du procèsLes lignes commencent à bouger
Paul Rusesabagina qui était devenu une voix critique du pouvoir de Kigali est visé par 13 chefs d’accusation, dont ceux de terrorisme, meurtre et financement de rébellion. Avant l’ouverture de son procès, une autre voix critique du pouvoir a également été interpellée en début de semaine. Il s’agit de la YouTubeuse Yvonne Idamange arrêté pour » incitation au désordre public. »
Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale de l’ONG Human Rights Watch, reconnait que concernant le Rwanda, la communauté internationale est souvent silencieuse mais estime que les lignes commencent à bouger. « C’est vrai ils ont décidé de tourner le regard face aux violations. Mais récemment on a noté un changement avec des cas comme la mort en détention il y a un an du chanteur Kizito Mihigo, et aussi le cas de Paul Rusesabagina : on voit une plus grande volonté de dénoncer ces abus. Ce sont par exemple les critiques adressées récemment au Rwanda lors du conseil des droits de l’homme de l’Onu. Maintenant il est crucial que ces pays fassent un suivi direct avec le gouvernement rwandais et qu’ils fassent pression pour qu’il adopte des mesures concrètes » explique t-il. Des mesures qui, Lewis Mudge l’espère, permettrons de mettre fin aux abus et violations des droits de l’homme au Rwanda.
Source: Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée