Erigé à Cotonou, il s’agit du mur graffé le plus long d’Afrique, et le troisième au monde après ceux de Dubaï et du Brésil.
Coloré des œuvres d’une quarantaine d’artistes graffeurs originaires du Bénin et d’autres pays du continent, le Mur du patrimoine est la révélation du talent artistique des jeunes Béninois.
Assis sur le terre-plein central de la voie entre le carrefour Zongo et le pont Konrad Adenauer, dans le 5e arrondissement de Cotonou, nous rencontrons une dizaine de jeunes graffeurs. Ils contemplent des fresques qu’ils ont réalisées eux-mêmes quelques mois plus tôt sur le mur d’en-face dans le cadre du festival Effet Graff lancé en 2013 par l’association Assart.
Le mur en question est en fait la clôture de la défunte Organisation commune Bénin-Niger des transports ferroviaires (OCBN), un espace de 2.000 mètres carrés de surface étendu sur une longueur de 940 mètres et sert désormais de support pour créer un »musée à ciel ouvert ».
Véhiculer un message
« Chaque année, on choisit un thème sur lequel les artistes exposent leur art, explique Jacques-Hermos Gbenahoun, le directeur du festival Effet Graff. Et cette année, c’était ‘Bénin : patrimoines et potentiels’. L’objectif était de relater l’histoire des peuples du Bénin à travers ce mur… Quand on l’a eu (le mur), on s’est dit qu’avec ce mur on peut transmettre un message, on peut faire quelque chose, on peut arriver à impacter sur la population, on peut arriver avoir un impact sur le monde. »
C’est ainsi qu’a pris corps le Mur du patrimoine. Ce projet de l’association Assart cadre ainsi bien avec l’ambition du gouvernement béninois de développer et promouvoir le tourisme sous toutes ses formes.
Lionel Atèrè, alias Lionel Davenci, se dit heureux d’y avoir contribué. Il a choisi, lui, de valoriser la faune et la flore. « J’ai voulu parler des animaux qu’on peut voir dans le parc de la Pendjari et par la même occasion parler de la protection des espèces animales, des espèces naturelles », explique-t-il. « La girafe par exemple est en voie de disparition en Afrique de l’Ouest donc c’est aussi un appel à la protection de l’espèce animale. J’ai aussi travaillé sur le singe au ventre rouge qui est un singe assez particulier qu’on ne trouve qu’au Bénin. »
Dans ce musée pas comme les autres sont développées de nombreuses autres thématiques telles que la politique, la religion, les panégyriques, la vie des amazones, ou encore la gastronomie, le domaine de prédilection de Jean-Paul Freddy, alias Dr JPEG.
Il a voulu « montrer la valeur de la nourriture du centre Bénin qui est le Man-tindjan accompagné par le Lio. Ensuite j’ai fait un Ayato, qui est un panégyrique des vrais bâtisseurs du Bénin, du Dahomey. En tant qu’Ayato moi-même, je l’ai écrit pour immortaliser mes ancêtres forgerons. »
Réhabilitation de l’image du quartier
Maurice Morel Aguiar, alias Momo, se dit fier d’avoir lui-aussi laissé sa marque sur le mur graffé le plus long d’Afrique. « Je peux passer dans dix ans ou dans vingt ans et dire que j’ai travaillé ici. C’est la culture, c’est mon pays. Là, j’ai représenté un géant avec trois citoyens derrière son tee-shirt qui tiennent la jarre trouée. Cela exprime la liberté et l’union qui fait la force. »
Le Mur du patrimoine, où sont également immortalisées de grandes figures de la musique du pays, a aussi reçu une touche féminine grâce à Evelyne Mauricette Adjadjihouè, l’une des rares femmes graffeuses du groupe.
Pour elle, « cela compte beaucoup parce qu’il n’y a pratiquement pas de femmes dans ce domaine et nous voir au mur, donner de notre savoir-faire, de notre talent, c’est beaucoup pour nous, ça nous permet d’attirer les autres femmes, de leur permettre de se joindre à nous pour vivre ce que nous savons faire. »
Grâce aux artistes graffeurs, cette zone considérée jadis comme l’une des plus délabrées voire dangereuses de Cotonou aura reçu un important coup de lumière et de couleurs artistiques.
Et ce tronçon est devenu l’un des plus fréquentés de Cotonou. On n’y passe pas sans découvrir un petit pan de l’histoire du Bénin.
Source : Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée