Attendue depuis 2008, la réforme du secteur pétrolier au Nigeria a enfin été adoptée, jeudi 1er juillet, par le Parlement. Un « moment historique » pour le premier producteur d’or noir en Afrique, qui a urgemment besoin de maximiser ses revenus. « Les deux chambres ont approuvé la loi pétrolière », a indiqué à l’AFP Ola Awoniyi, porte-parole du Sénat : « C’est un événement important pour l’Assemblée nationale en place, après des années de retard. »
Le Nigeria, pays de 210 millions d’habitants, est le premier producteur de pétrole d’Afrique avec 1,9 million de barils exportés chaque jour, mais le secteur a la réputation d’être corrompu et peu productif, avec des infrastructures délabrées après soixante ans d’exploitation. Et il attire peu d’investissements malgré des réserves gigantesques.
Ce projet, soumis une première fois à l’Assemblée nationale en 2008, a été plusieurs fois débattu et réécrit, en raison notamment de désaccords sur ses termes entre le gouvernement et les grandes compagnies pétrolières opérant dans le pays, mais aussi entre l’exécutif et les assemblées précédentes. Le président de l’Assemblée, Femi Gbajabiamila, s’est félicité de cette « importante victoire » : « Il faut souligner comme cette journée est importante. Cela fait près de vingt ans que nous attendions cela », a-t-il déclaré.
Indemnisation des communautés
Cette loi ambitionne de donner un cadre légal et fiscal à l’industrie nigériane du gaz et du pétrole. Les changements s’opèrent autour de trois axes principaux : une fiscalité plus encadrée, une meilleure redistribution des richesses et la transformation de la Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC), réputée être la caisse noire de l’Etat, en une société commerciale.
Les deux chambres du Parlement doivent encore s’accorder sur certains points, notamment la part de redistribution aux communautés qui habitent dans les zones d’extraction. Le texte initial proposait l’obligation pour les compagnies pétrolières de verser 2,5 % de leurs dépenses dans la zone d’exploitation pour alimenter des fonds de développement au bénéfice des communautés. Un chiffre trop bas, selon ces dernières. Les deux chambres devraient s’accorder sur un pourcentage compris entre 3 et 5 %, selon le sénateur Ajibola Bashiru.
L’adoption de cette réforme a suscité des réactions contrastées. Bebe Okpabi, le chef traditionnel des communautés productrices de pétrole de l’Ogoniland, dans l’Etat de Rivers, a salué une « bonne nouvelle » pour les communautés, « enfin reconnues, appréciées et indemnisées pour les ressources pétrolières présentes sur leur sol ». Pour Fegalo Nsuke, président du groupe Movement for the Survival of Ogoni People (Mosop), le projet de loi ne répond pas à ses attentes : « Nous nous attendions à un pourcentage de 25 % pour les communautés. Je pense qu’on peut faire beaucoup plus. »
Des gisements arrivés à maturité
Le Nigeria, première économie d’Afrique grâce à sa production pétrolière, est en difficulté depuis le début de la crise sanitaire, après s’être difficilement relevé d’une première récession en 2016-2017. En avril 2020, les cours du brut avaient chuté en dessous des 20 dollars ; et ils ont beau être remontés autour des 60 dollars depuis, l’avenir reste sombre pour un pays qui tire plus de la moitié de ses revenus et 90 % de ses recettes d’exportation du pétrole. En outre, une grande partie des gisements nigérians sont arrivés à maturité et ne sont pas compensés par suffisamment de grands projets.
Le manque de revenus et donc de devises a un fort impact sur l’économie du Nigeria, et notamment sur l’inflation, alors que le pays importe un très grand nombre de ses biens de consommation. En un an, l’inflation a dépassé les 18 % et a fait basculer environ 7 millions de Nigérians supplémentaires dans la pauvreté.
Il sera difficile de mesurer rapidement les effets de cette loi, étant donné qu’elle laissera le choix aux compagnies de décider si leurs activités seront régulées selon l’ancienne ou la nouvelle réglementation, jusqu’à la fin de leur licence. Elle va toutefois mettre un terme à l’incertitude réglementaire qui, durant des années, a découragé les investissements.
Mais selon les experts, la situation sécuritaire reste le plus gros problème pour les investisseurs. Les groupes armés, qui creusent des trous dans les oléoducs pour y voler la production, provoquant des désastres écologiques, et qui multiplient les enlèvements contre rançons sur terre comme sur mer, continuent de prospérer. Cette insécurité constante a un impact important sur le prix de l’exploitation, et donc sur les politiques d’investissement.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée