Mardi soir, l’armée et la police ont tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques, faisant au moins douze morts et des centaines de blessés à Lagos.
Le président nigérian, Muhammadu Buhari, un ancien militaire putschiste, s’est montré intransigeant, jeudi 22 octobre, face au soulèvement populaire que connaît son pays – en particulier la capitale économique, Lagos – depuis près de quinze jours.
Il a prévenu les manifestants qu’il « n’autoriserait personne ni aucun groupe à mettre en péril la paix et la sécurité nationale », dans un discours très attendu par les quelque 200 millions de Nigérians. « Résistez à la tentation d’être utilisés par des éléments subversifs pour causer le chaos et tuer notre jeune démocratie », a-t-il déclaré.
Mardi soir, l’armée et la police ont tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques, faisant au moins douze morts et des centaines de blessés à Lagos, la plus grande ville du pays, selon Amnesty International. Au total, 56 personnes sont mortes depuis le début du mouvement.
Mises en cause par des témoins et des ONG, la police et l’armée nient toute responsabilité. Mais des vidéos de la fusillade, montrant des militaires tirer à balles réelles au-dessus d’une foule qui agitait des drapeaux et chantait l’hymne national au péage de Lekki, ont été largement reprises sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation.
Washington, l’Union africaine, l’Union européenne et l’Organisation des Nations unies (ONU) ont condamné ces violences et ont demandé à ce que les responsables soient traduits en justice.
« Mardi sanglant »
Le président Buhari les a remerciés, les invitant cependant « à attendre d’avoir tous les éléments entre les mains avant de juger ». Il n’a lui même fait aucun commentaire sur cette répression sanglante, mais a regretté avoir « montré des signes de faiblesse en acceptant les (…) demandes faites par les manifestants » de réformer la police.
Le mouvement de protestation, qui a commencé il y a deux semaines contre les violences policières, s’est mué peu à peu en un mouvement de soulèvement contre le pouvoir en place, accusé de mauvaise gouvernance.
Après ce « mardi sanglant », comme titraient plusieurs « unes » de la presse locale, Lagos a basculé dans le chaos : des supermarchés ont été pillés, des coups de feu ont été tirés, deux prisons ont été attaquées avant que les forces de l’ordre n’en reprennent le contrôle.
Un entrepôt où étaient stockés des milliers de sacs de vivres destinés à être distribués aux ménages pauvres affectés par la pandémie de Covid-19 a aussi été pillé, selon le gouvernement de l’Etat de Lagos. Sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on pouvait voir des centaines de personnes transportant des sacs blancs estampillés du mot « Covid ».
Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique et première puissance économique du continent grâce à son pétrole, est aussi le pays qui compte le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté.
Le président Buhari, démocratiquement élu en 2015 et 2019, connu pour sa fermeté, avait tenu dans l’après-midi un conseil de défense. Son conseiller spécial pour la sécurité avait assuré qu’il allait proposer « des solutions » pour mettre fin à la crise.
La Cour pénale internationale (CPI) a affirmé « suivre de près les incidents en marge des manifestations au Nigeria », dans un communiqué jeudi. « Nous avons reçu des informations concernant des crimes présumés et nous regardons de près la situation, dans le cas où la violence s’intensifierait », a déclaré la procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée