Le projet de production d’électricité sur le fleuve Congo fait toujours l’objet de critiques, des investisseurs quittent le navire et il se murmure que l’Afrique du Sud pourrait jeter l’éponge.
Sur le papier, le projet Inga 3 à tout pour convaincre : l’idée est d’utiliser l’eau du fleuve Congo pour produire de l’électricité. Un projet audacieux qui promet d’importants bénéfices économiques et l’amélioration du quotidien de 80 millions de Congolais. La majorité d’entre eux n’ont en effet pas accès à l’électricité. Mais le barrage Inga 3 fait aussi l’objet de nombreuses critiques. Les investisseurs sont frileux ou quittent le navire et on murmure désormais que même l’Afrique du Sud pourrait jeter l’éponge.
Engagement sud-africain
Pour comprendre, il faut revenir en arrière. À peine le projet Inga 3 avait commencé à éclore que Pretoria signalait son intérêt. Pays sujet à de fréquentes coupures de courant, l’Afrique du Sud promet d’acheter une grande partie de l’électricité produite par le futur barrage. Pour la République démocratique du Congo, cet engagement vaut de l’or, surtout depuis que l’entreprise espagnole ACS, l’un des principaux investisseurs, a claqué la porte du projet en janvier dernier.
En février, le gouvernement sud-africain réitère publiquement son soutien à Inga 3. Sauf que, selon un rapport du Groupe d’étude sur le Congo et Phuzomoya Consulting, cet engagement n’a aucun sens, ni sur le plan financier, ni sur le plan énergétique. Ces deux instituts de recherche affirment que Pretoria cherche en réalité une stratégie de sortie.
C’est exactement ce que souhaite Siziwe Mota, de l’organisation environnementale « International Rivers ». « Avec la construction de ce barrage, de nombreuses communautés dont l’existence dépend du fleuve vont devoir être transférées ailleurs », raconte-t-elle. « Non seulement les gens vont perdre leurs moyens de subsistance mais en plus, vous pouvez être sûrs qu’ils ne seront jamais raccordés au réseau. Et quand bien même ils le seraient, ils n’auraient pas assez d’argent pour payer le courant.
Inga 3 serait construit sur le fleuve Congo
Craintes pour les agricultrices
Du financement aux conséquences pour l’environnement, en passant par celles pour les populations locales, Mignonne Mbombo critique elle aussi le manque de sérieux de la planification du projet. Pour les deux premiers barrages, Inga 1 et Inga 2, c’était la même chose, déplore-t-elle. « L’activité principale des femmes est l’agriculture et si elles sont délocalisées, elles vont perdre leurs terres et leur moyen de subsistance », insiste cette membre du réseau congolais Femmes solidaires. « A cause des deux précédents barrages, le fleuve ne produit plus de poissons comme autrefois. Les femmes qui étaient habituées à cultiver le long du fleuve doivent faire de longs trajets, des kilomètres et des kilomètres. »
Biodiversité menacée
Les activistes déplorent également les conséquences désastreuses de la construction du barrage sur l’écosystème : champs et forêts inondés, biodiversité menacée, déforestation en Zambie et au Zimbabwe, les pays voisins de la RDC par lesquels devra passer l’électricité pour rejoindre l’Afrique du Sud. Pour l’heure, du côté des autorités congolaises, le président Félix Tshisekedi souhaite donner une nouvelle orientation au projet et revenir à une production plus modeste : celui-ci a annoncé qu’Inga 3 pourrait se limiter à 4,8 gigawatts – au lieu des 11 gigawatts voulus par son prédécesseur, Joseph Kabila.
Source: Deutsch Welle Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée