Au terme d’un accord de plusieurs millions de dollars avec Londres, le Rwanda accepté d’accueillir sur son sol des migrants et demandeurs d’asile de diverses nationalités acheminés du Royaume-Uni.
« À partir d’aujourd’hui, toute personne entrant illégalement au Royaume-Uni, ainsi que ceux qui sont arrivés illégalement depuis le 1er janvier, pourront désormais être relocalisés au Rwanda » annonce le Premier ministre britannique, Boris Johnson ce jeudi. « Notre compassion est peut-être infinie, mais notre capacité à aider des gens ne l’est pas », ajoute-t-il depuis la ville portuaire de Douvres.
Concrètement, toute personne arrivée illégalement au Royaume-Uni et voulant effectuer une demande d’asile sera envoyée au Rwanda, où elle sera hébergée le temps que sa demande soit examinée, explique Alexandra Brangeon, journaliste au service Afrique de RFI.
Alors que le dirigeant conservateur avait promis de contrôler l’immigration, un des sujets clés dans la campagne du Brexit, le nombre de clandestins traversant la Manche a triplé cette dernière année, passant de 8 466 en 2020 à 28 500 personnes en 2021. En 2018, seuls 299 personnes avaient effectué la périlleuse traversée en 2018.
« Le Rwanda se réjouit de ce partenariat avec le Royaume-Uni pour accueillir des demandeurs d’asile et des migrants, et leur offrir des voies légales pour vivre » dans ce pays d’Afrique de l’Est, déclare dans un communiqué le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta.
L’accord avec le Rwanda, qui sera financé par le Royaume-Uni à hauteur 120 millions de livres (144 millions EUR), prévoit que les migrants – dont ni les nationalités ni les conditions d’arrivée ne sont précisées – soient « intégrés dans les communautés à travers le pays », selon le communiqué publié par Kigali. « Il s’agit de s’assurer que les gens soient protégés, respectés et qu’ils puissent réaliser leurs propres ambitions et s’installer de manière permanente au Rwanda s’ils le souhaitent », ajoute Vincent Biruta.
Désireux de regagner en popularité et séduire ses électeurs, Boris Johnson et son gouvernement cherchent depuis des mois à conclure des accords avec des pays tiers où envoyer les migrants en attendant de traiter leur dossier. Évoqué, le Ghana a fermement nié en janvier être en discussion avec le Royaume-Uni sur le sujet.
Une décision controversée
Les détails de l’accord restent cependant encore flous. Concerne-t-il tous les migrants, y compris les demandeurs d’asile, ou uniquement ceux en provenance du continent africain ? Lors d’une conférence de presse ce matin, les autorités rwandaises évoquent des quotas, sans donner pour l’instant plus de précisions.
Envoyer des demandeurs d’asile à plus de 6 000 kilomètres du Royaume-Uni vise à décourager les candidats au départ vers le Royaume-Uni, toujours plus nombreux. Mais les militants des droits de l’homme ont dénoncé cette politique jugée « scandaleuse » et « barbare ».
Un « bilan lamentable en matière de droits humains »
Steve Valdez-Symonds, directeur des droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International Royaume-Uni, a dénoncé « une idée scandaleusement mal conçue » qui « fera souffrir tout en gaspillant d’énormes sommes d’argent public », soulignant aussi le « bilan lamentable en matière de droits humains » du Rwanda. Pour le directeur général de Refugee Action, Tim Naor Hilton, c’est une « manière lâche, barbare et inhumaine de traiter les personnes fuyant la persécution et la guerre ».
Côté politique, l’opposition britannique a également dénoncé « l’inhumanité » du projet. Même dans les rangs conservateurs, les critiques ont fusé, le député Tobias Ellwood estimant qu’il s’agit d’une « énorme tentative de détourner l’attention » des déboires de Boris Johnson dans le « Partygate ».
Le Parlement britannique est par ailleurs sur le point d’adopter une loi qui pourrait autoriser la création de centres à l’étranger pour expulser les migrants le temps que leur demande soit traitée ou encore autoriser les garde-côtes à repousser hors des eaux britanniques les embarcations de migrants. Selon le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), cette loi, si elle est adoptée, contredirait à la Convention de Genève pour les réfugiés, dont le Royaume-Uni est signataire.
Source: RFI Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée