Les islamistes d’Ennahdha appellent à la rescousse le président Saïed

Ennahdha a besoin de trois autres partis, au moins, pour assurer la majorité parlementaire au prochain gouvernement. Les potentiels partenaires sont exigeants, puisqu’indispensables. Ghannouchi implore l’intervention du très populaire président Saïed, pour amadouer les récalcitrants.

Avec 52 députés, seulement, sur les 217 membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, savait que la mission de son parti allait être difficile pour former un gouvernement stable. Il compte tirer profit de la popularité du président Kaïs Saïed, élu avec plus de 72% des voix, qu’Ennahdha a soutenu lors du 2e tour de l’élection présidentielle, pour calmer l’ardeur des partis spéculateurs.

Les élections législatives du 6 octobre ont, certes, donné Ennahdha vainqueur et la Constitution lui accorde la latitude de former le gouvernement. Toutefois, les islamistes n’ont recueilli que 52 sièges, alors que la majorité requise est de 109. La stabilité requiert, quant à elle, au moins 145 députés, si l’on prend en considération la nécessité d’élire les instances constitutionnelles.

La partie n’est pas facile, surtout qu’Ennahdha refuse de s’allier au parti Qalb Tounes de Nabil Karoui, 2eavec 38 sièges. Les partis concernés par les tractations sont le Courant démocratique (22 sièges), l’Alliance de la dignité (21 sièges), le Mouvement du peuple (16 sièges) et Tahya Tounes (14 sièges). Tous ensemble, ils réunissent 125 sièges, ce qui n’augure pas d’horizons clairs. La question est d’autant plus compliquée qu’il y a beaucoup de surenchères.

Surenchères

En effet, le Courant démocratique a annoncé le soir des élections, par la voix de son président, Mohamed Abbou, qu’il «sera dans l’opposition, puisqu’Ennahdha ne veut pas lutter contre la corruption». Mêmes propos du côté du Mouvement du peuple, qui a réclamé, au départ, la présidence du gouvernement à l’un de ses symboles, Safi Saïd, élu pourtant sur une liste indépendante (Nous sommes là) et ayant recueilli 7% des voix lors du 1er tour de la présidentielle.

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Ce mouvement nationaliste arabe déclare «refuser de s’allier à Ennahdha, responsable de l’échec dans la réalisation des objectifs de la révolution, depuis 2011», comme ne cesse de le répéter le député Salem Labiadh, ministre de l’Education avec la troïka en 2013.

Le parti Tahya Tounes, du chef du gouvernement Youssef Chahed, a annoncé, lui-aussi, son choix de siéger dans l’opposition et de «laisser gouverner les vainqueurs», selon les dires de son directeur exécutif, Slim Azzabi. Il n’y a finalement que l’Alliance de la dignité, les déçus d’Ennahdha, qui accepte de s’allier avec le parti de Rached Ghannouchi, qui les ignore pour leur accointance avec les si mal nommées «cellules de protection de la révolution».

La partie ne s’annonce donc pas facile. D’où la requête publique, faite par Ghannouchi à l’adresse de Kaïs Saïed, pour réunir les groupes politiques sous l’étendard «gouvernement du Président», une autre formule du «gouvernement d’union nationale» de Feu Béji Caïd Essebsi. Encore faut-il que les partis ne mettent pas la barre très haute.

Tractations

Les choses ont évolué depuis les élections et les exigences des partis sont désormais plus explicites. Ainsi, Ennahdha ne demande plus, de manière catégorique, de présider le gouvernement. Il avait, un moment, désigné Zied Ladhari comme son candidat pour la Kasbah. Ghannouchi a désormais compris que le «gouvernement du Président» ne saurait être présidé que par une personnalité politique indépendante.

C’est, par ailleurs, l’une des requêtes fondamentales du Courant démocratique pour participer au gouvernement. Autre requête de ce courant, c’est d’obtenir les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Réforme administrative, que Mohamed Abbou considère comme les principaux départements où il faut agir pour lutter efficacement contre la corruption. Le Courant démocratique exige des portefeuilles avec des prérogatives étendues pour s’attaquer au fléau. Ennahdha n’a pas dit non ; les islamistes exigent, par contre, de s’entendre sur le programme du gouvernement, avant les hommes.

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Pour le Mouvement du peuple et Tahya Tounes, ils n’ont pas encore bougé de la case de l’opposition vers celle de l’association au gouvernement, notamment Tahya Tounes. Slim Azzabi considère que son parti a besoin de bilan «pour évaluer sa gouvernance et repartir sur des bases plus solides». Le parti de Chahed estime qu’il a été ciblé durant les dernières élections, alors qu’il partageait la gouvernance avec d’autres partis, comme Ennahdha ou Machrouaa Tounes.

«Laissons-les agir. Nous avons fait ce qui était en notre possibilité», assure Slim Azzabi. La route sera longue pour la formation du gouvernement. Les résultats définitifs des législatives sont prévus d’ici le 13 novembre. La Constitution accorde un mois, renouvelable une fois, au parti gagnant pour former le gouvernement. 

Source: EL Watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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