Sous une forte présence militaire, les Ougandais ont commencé à voter jeudi matin lors d’une élection présidentielle tendue, où le député et chanteur Bobi Wine défie le président sortant Yoweri Museveni, qui brigue un sixième mandat après 35 ans passés au pouvoir.
Dans la capitale Kampala, les opérations ont débuté peu après 7h (4h GMT), masques et gel hydroalcoolique à l’appui pour lutter contre la propagation du coronavirus.
Les quelque 18 millions d’Ougandais ont jusqu’à 16h (13h GMT) pour se rendre dans un des 34 600 bureaux de vote du pays afin de choisir leur président et leurs députés.
Le scrutin survient au terme d’une campagne particulièrement violente, émaillée d’arrestations et d’émeutes et endeuillée par plusieurs dizaines de morts. Dernier signe des tensions : depuis mercredi soir, l’accès à internet est largement perturbé, les autorités ayant officiellement suspendu réseaux sociaux et services de messagerie mardi.
Choc des générations
Dans le quartier de Njovu à Kampala, Ceria Makumbi a fait le choix de la continuité. « Museveni est mon candidat, confie à l’AFP cette femme d’affaires de 52 ans. Il a apporté la stabilité au pays, il a lancé l’école primaire et l’enseignement universitaire gratuit. Il a construit des hôpitaux, des routes. »
Dans le bidonville de Kamwokya, place forte de l’opposant Robert Kyagulanyi, alias Bobi Wine, Joseph Nsuduga espère quant à lui l’alternance. « Je suis ici pour changer les dirigeants de ce pays car pendant des années, ils ont dit qu’ils allaient garantir mon avenir. Mais ils ne l’ont pas fait. J’ai besoin de voir du changement pour mes enfants », explique ce chauffeur de 30 ans.
Le duel fait figure de choc des générations, dans un Ouganda où trois quarts de la population a moins de 30 ans. D’un côté Yoweri Museveni, 76 ans, au pouvoir depuis 1986, semble largement favori. L’ex-guérillero s’est mué en dirigeant autoritaire et compte ouvertement les jours qui le séparent de la « victoire ».
En face, Bobi Wine, 38 ans, a capitalisé sur sa popularité auprès des jeunes urbains et s’est imposé comme son principal rival, au sein d’une opposition divisée qui présente 10 candidats contre le Mouvement de résistance nationale (NRM), l’hégémonique parti au pouvoir. Mardi, dernier jour de la campagne, le chanteur et deux autres candidats, Patrick Amuriat et Mugisha Muntu, ont appelé les Ougandais à voter massivement et à « protéger leur vote » en surveillant le scrutin et en filmant avec leurs téléphones.
Forte présence militaire
Des craintes ont émergé quant à l’équité et la transparence du scrutin au cours de cette campagne plus violente que les précédentes, où des journalistes, des critiques du régime et des observateurs ont été empêchés de travailler. Mettant en avant les mesures de prévention contre le Covid-19, le pouvoir a interdit de nombreux meetings de l’opposition tandis que Yoweri Museveni bénéficiait d’une large visibilité médiatique grâce à son statut de président.
L’ambassadrice américaine en Ouganda, Natalie Brown, a annoncé mercredi que les États-Unis annulaient une mission d’observation prévue pour ce vote, la majorité de leurs observateurs s’étant vue refuser une accréditation par le gouvernement.
Les violences ont émaillé la campagne : arrestations d’opposants, tirs de gaz lacrymogènes et parfois de balles réelles sur leurs partisans. En novembre, au moins 54 personnes ont été tuées par la police au cours d’émeutes déclenchées par une énième arrestation de Bobi Wine.
À Kampala, la présence militaire était très forte jeudi dans les rues. De nombreux habitants se sont pressés ces derniers jours dans les gares routières pour rejoindre leur bureau de vote à la campagne ou pour quitter la ville par peur de violences.
« Lors des précédentes élections, il y a toujours eu du chaos à Kampala. Je pense que cette fois, avec toute la tension qu’il y a, il devrait y avoir beaucoup de violences », déclarait ainsi mardi Charles Abigaba, comptable de 31 ans, en chemin pour Masindi, dans l’Ouest, afin de voter. Inquiet pour sa sécurité, il comptait y rester après l’élection.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée