Plusieurs milliers de personnes ont manifesté vendredi contre le président tunisien Kais Saied, soulignant une opposition croissante à sa prise de pouvoir et à sa suspension du parlement il y a cinq mois.
Appelée à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement qui a renversé l’autocrate Zine al-Abidine Ben Ali il y a dix ans, il s’agissait de la première manifestation depuis que Saied a annoncé lundi une feuille de route tant attendue qui maintient le parlement suspendu pour une autre année.
La manifestation a suggéré que la feuille de route n’a pas fait grand-chose pour apaiser les opposants qui disent que les mesures de Saied ont fait dérailler la transition démocratique de la Tunisie, une réussite comparative du « printemps arabe » qui a renversé plusieurs autocrates en 2011.
Les manifestants se sont rassemblés dans le centre de Tunis, où les forces de sécurité étaient fortement déployées. Agitant des drapeaux tunisiens, ils scandaient : « Liberté, liberté, fini l’Etat policier ! », et « Le peuple veut la destitution du président ! ».
Plusieurs centaines de partisans de Saied se sont également rassemblés à proximité, brandissant également des drapeaux tunisiens.
Trois partis opposés aux mesures de Saied ont accusé les forces de sécurité d’avoir empêché les manifestants à une extrémité de l’avenue Habib Bourguiba de se faufiler dans la large rue bordée d’arbres qui a été le théâtre de grandes manifestations pendant une décennie.
Issam Chebbi, secrétaire général du Parti républicain, a déclaré que les partisans de Saied avaient toutefois été laissés passer.
« PERPÉTUER LA CRISE »
Le ministre de l’Intérieur, Tawfiq Sharaf El-Din, a déclaré à la chaîne de télévision Jawahara FM que les forces de sécurité avaient traité tout le monde sur un pied d’égalité.
Le plan de Saied comprend un référendum constitutionnel en juillet prochain, suivi d’élections législatives fin 2022.
« Ce n’est pas une feuille de route pour sortir de la crise, mais pour perpétuer la crise », a déclaré le manifestant Jawhar Ben Mubarak, expert en droit constitutionnel et militant de « Citoyens contre le coup d’Etat ». Saied « a enlevé le pays il y a six mois et veut l’enlever encore un an », a-t-il ajouté.
L’anniversaire du soulèvement avait déjà été marqué le 14 janvier, lorsque Ben Ali a fui la Tunisie.
Mais Saied a changé la date au 17 décembre, lorsque le vendeur de fruits Mohammed Bouazizi s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid après une altercation avec une policière à propos de l’endroit où il avait déposé sa charrette, déclenchant le soulèvement.
A Sidi Bouzid, vendredi, des centaines de chômeurs ont également manifesté en scandant « travail, liberté, dignité, patriotisme », slogan du soulèvement de 2011, ont rapporté des témoins et l’agence de presse d’Etat Tunis Afrique Presse.
La prise de pouvoir de Saied a d’abord semblé gagner un large soutien parmi les Tunisiens fatigués par des années de stagnation économique et de paralysie politique. Mais l’opposition s’est accentuée, y compris de la part des principaux acteurs nationaux qui étaient initialement favorables.
Source: Reuters Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée