Les baobabs de Madagascar ne sont pas éternels. Plusieurs espèces de cet arbre emblématique de la Grande Ile de l’océan Indien pourraient ne pas être capables de s’adapter à l’augmentation des écarts de températures qui accompagne le changement climatique, selon une étude publiée dans la revue Global Change Biology par une équipe composée de chercheurs du Cirad, de l’université de Picardie, du Fofifa de Madagascar et de l’université de Santa Catarina au Brésil.
En s’appuyant sur les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les scientifiques se sont intéressés aux conséquences d’une plus forte saisonnalité sur des arbres inféodés à un milieu jusqu’à présent caractérisé par de très faibles amplitudes thermiques. Dans la bande intertropicale, celles-ci ne dépassent pas 3 °C tout au long de l’année, ce qui explique la croissance continue des arbres et l’absence de phénomène de dormance.
Migrer vers l’équateur
« Avec une augmentation de cet écart pouvant aller jusqu’à 1 °C d’ici à la fin du siècle comme le prévoit le GIEC, de nombreuses espèces devront migrer vers l’équateur, là où les variations de températures sont les plus faibles mais toutes ne le pourront pas», explique Ghislain Vieilledent, chercheur au Cirad et coauteur de l’étude.
Confrontées aux limites terrestres, quatre des sept espèces de baobabs présentes à Madagascar, et dont six sont endémiques, seraient alors exposées à des risques d’extinction très élevés. Il s’agit d’Adansonia madagascaris, d’Adansonia rubrostipa, Adansonia suarezensis et d’Adansonia perrieri. Pour les deux dernières d’entre elles, concentrées dans la partie septentrionale de l’île, l’étude anticipe une « disparition entière de leur habitat ».
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont pris appui sur une vaste base de données constituée depuis le début du siècle. Alimentée par des recensements de terrain et des images satellites, elle donne la répartition précise des différentes espèces de baobabs à travers le territoire et définit la niche écologique occupée par chacune d’entre elles. L’exercice a ensuite consisté à tester leur résistance aux évolutions attendues du climat.
Les chercheurs ont privilégié le scénario le plus pessimiste du GIEC (RCP 8.5), c’est-à-dire celui où, en l’absence de politiques publiques ambitieuses, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de progresser. « C’est malheureusement le scénario le plus probable. L’augmentation des émissions depuis la publication du GIEC en 2014 est supérieure aux hypothèses les plus alarmistes », explique Ghislain Vieilledent pour justifier ce choix.
Dans cet avenir plus chaud et plus irrégulier, seuls les arbres installés dans des niches écologiques plus larges sauront trouver les ressources pour survivre. Comme Andansonia Za présent dans toute l’île ou Adansonia grandideri dont de majestueux spécimens forment la célèbre allée des baobabs dans la région côtière de Morondava.
Une idée rassurante serait de penser que ces espèces plus plastiques seront en mesure de coloniser les espaces laissés vacants par celles disparues. Les chercheurs jugent cette probabilité très faible en raison de la discontinuité du couvert forestier et de la dégradation des terres qui limite les capacités de régénération naturelle. Madagascar a perdu près de la moitié de ses forêts depuis les années 1950.
« Il est souvent avancé qu’il suffirait que les espèces migrent vers le nord ou en altitude pour s’adapter au réchauffement climatique. Les baobabs de Madagascar montrent que la réalité est plus complexe puisque c’est un mouvement inverse – vers l’équateur – qui se révèle nécessaire. Et cette situation vaut certainement pour une quantité importante de plantes tropicales elles aussi sensibles aux variations de la saisonnalité », conclut Ghislain Vieilledent, en rappelant la nécessité de protéger les forêts tropicales où subsiste plus de la moitié de la biodiversité terrestre.
Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée