La milliardaire est accusée par une enquête journalistique de s’être accaparé des richesses publiques. Fille de l’ancien président angolais, elle évoquait il y a peu l’hypothèse d’une candidature à la présidence de son pays.
La milliardaire Isabel dos Santos, fille de l’ex-président angolais déjà sous le coup d’une enquête judiciaire dans son pays, est accusée d’avoir « siphonné les caisses du pays », dans une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publiée dimanche 19 janvier. Un tissu de « mensonges », selon elle.
Les 36 médias internationaux membres du consortium, parmi lesquels la BBC, le New York Times ou Le Monde, ont mobilisé 120 journalistes dans une vingtaine de pays pour exploiter une fuite de 715 000 documents et révéler « comment une armée de sociétés financières occidentales, d’avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion ont aidé » cette femme de 46 ans « à cacher des avoirs aux autorités fiscales ».
Les « Luanda Leaks », du nom de la capitale de l’Angola, ont pu voir le jour grâce à une fuite de données orchestrée par un ou des anonymes depuis la société de gestion financière d’Isabel dos Santos basée au Portugal, « probablement issues d’un piratage informatique », selon Le Monde.
Montages financiers
Celle qu’on surnomme la « princesse de Luanda » était déjà dans le radar de la justice de nombreux pays. L’enquête du ICIJ l’accable en révélant des détails inédits sur les montages financiers utilisés ainsi que les montants en jeu.
La fille de José Eduardo dos Santos, qui dirigea l’Angola d’une main de fer pendant 38 ans (1979-2017), avait vu en décembre ses comptes bancaires et ses actifs dans des entreprises angolaises gelés.
Enquête au Portugal
La justice angolaise la soupçonne d’avoir détourné, avec son époux danois d’origine congolaise Sindika Dokolo, plus d’un milliard de dollars des comptes des entreprises publiques Sonangol (pétrole) et Endiama (diamant) pour nourrir ses propres affaires.
Nommée en 2016 par son père à la tête de la Sonangol, elle avait mis en place un véritable « schéma d’accaparement des richesses publiques » par le biais de ce que Le Monde décrit comme une « nébuleuse composée de 400 sociétés identifiés dans 41 pays ».
L’enquête de l’ICIJ révèle entre autres que des sociétés de conseil occidentales, telles que PwC et Boston Consulting Group, ont « apparemment ignoré les signaux d’alarme », en aidant la « Princesse de Luanda » à cacher des biens publics. L’investigation s’appuie sur des lettres censurées qui montrent comment de grands noms chez les consultants, tels que Boston Consulting ou KPMG, ont cherché à lui ouvrir des comptes bancaires non transparents.
Début janvier, la justice portugaise a elle aussi annoncé l’ouverture d’une enquête sur la femme d’affaires, qui détient des intérêts dans de nombreuses entreprises du pays, pour blanchiment d’argent public.
« Agenda politique des autorités »
Celle qui est considérée par le magazine américain Forbes comme la femme la plus riche d’Afrique a elle-même dénoncé une « chasse aux sorcières », destinée à les discréditer, elle et son père.
Elle a également répliqué, via une trentaine de tweets en portugais et en anglais. Dans le premier, elle lance: « Ma « fortune » est née de mon caractère, mon intelligence, éducation, capacité de travail, persévérance. Je continue aujourd’hui (dimanche) à voir avec tristesse le « racisme » et les « préjugés » de SIC-Expresso [la télévision et l’hebdomadaire portugais membres de l’ICIJ, NDLR], qui rappelle l’ère des « colonies » dans laquelle aucune Africain ne valait un Européen ».
Elle s’attaque ensuite dans le détail au récit publié par les deux journalistes de ces médias en les accusant nommément de « mensonges » sur certains points de sa gestion à la tête de la Sonangol.
Isabel dos Santos estime aussi qu’il s’agit « « d’informations » qu’ont fait fuiter les services secrets angolais pour manipuler l’ICIJ, au profit d’un agenda politique des autorités angolaises ».
Son avocat a également réfuté les accusations de l’ICIJ, dénonçant auprès du journal britannique The Guardian une « attaque parfaitement coordonnée » par le dirigeant actuel de l’Angola, João Lourenço, qui s’est lancé dans une spectaculaire lutte anticorruption.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée