Le président nigérien Mohamed Bazoum avait annoncé dès le début de son mandat une lutte contre la corruption. Dans son discours de la fête d’indépendance du Niger, il a reaffirmé ses intentions.
« Je voudrais aujourd’hui encore réitérer mon engagement à renforcer la lutte contre la corruption et la concussion des agents de l’Etat, le détournement des deniers publics, les pratiques de surfacturation dans l’exécution des marchés publics, les fraudes et les injustices dans l’organisation des examens et concours ou dans le recrutement des agents de l’Etat et des sociétés publiques. »
Cette politique anti-corruption s’était matérialisée par l’arrestation d’Ibrahim Moussa, alias Ibou Karadjé, ancien chef du service transport de la présidence de Mahamadou Issoufou, le prédécesseur de l’actuel chef d’Etat nigérien.
Une societé civile méfiante
Ibou Karadjé aurait en effet détourné entre 2017 et 2012 plus de huit milliards de francs CFA d’argent public. Pendant que l’Inspection générale du Niger continue ses investigations sur l’affaire, la société civile s’interroge.
Comment Ibou Karadjé aurait-il pu à lui seul détourner autant d’argent ?
Pour Issa Garba, secrétaire à l’information de l’organisation « Tournons la page », les intentions du président sont bonnes mais Ibou Karadjé n’a pas agi seul.
« Ibou Karadjé est juste un coursier car il n’est pas ordonnateur des dépenses ni comptables des dépenses. Si on arrête juste un coursier alors que les ordonnateurs des dépenses sont encore là… car qui signe les dépenses au nouveau de la présidence, qui ordonne les dépenses au niveau de la présidence, qui est le comptable de la présidence ? Tous ces gens-là aujourd’hui sont en train de vaquer tranquillement à leurs occupations. Ceux qui ont été cités, certains sont ministres, d’autres sont Premier ministre. Il faut une procédure judiciaire pour pouvoir les entendre. »
Plusieurs analystes estiment en effet que le président Mohamed Bazoum essaie de montrer sa bonne foi en mettant en garde ceux qui voudront détourner l’argent public mais ces promesses de lutte contre la corruption ne sont pas nouvelles dans les discours officiels au Niger.Écouter l’audio05:38
Pour Ibrahim Diori d’Alternative espace citoyen, un autre organe de la société civile, il reste encore beaucoup à faire.
« Avant l’affaire Ibou Karadjé, il y a eu aussi d’autres dossiers comme le scandale de détournement de deniers publics au ministère de la Défense nationale qui sont encore dans les tiroirs. Donc il y a beaucoup d’attente sur ce terrain et l’opinion publique ne peut se satisfaire de ce que l’on a au stade actuel. »
Pour Ibrahim Diori, le président a pour le moment le bénéfice du doute mais il va devoir encore plus concrétiser ses promesses dans un pays miné par la corruption.
Source : Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée