Lundi 18 octobre, l’armée éthiopienne a mené des frappes aériennes sur Makalé, la capitale du Tigré, faisant au moins trois morts selon une source hospitalière.
Le gouvernement avait dans un premier temps qualifié de « mensonge total » les informations de sources humanitaires, diplomatiques et médicale faisant état de bombardements, les premiers connus sur Makalé depuis le début du conflit dans le nord de l’Ethiopie, il y a presque un an.
Un média d’Etat a ensuite confirmé l’information, indiquant que des frappes aériennes avaient visé des cibles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). L’agence Ethiopian Press a précisé que les frappes avaient touché des infrastructures de communication utilisées à Makalé par les rebelles du TPLF, affirmant que des « mesures pour empêcher des victimes civiles » avaient été appliquées.
Après des mois de tensions croissantes avec les autorités régionales dissidentes issues du TPLF, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, avait envoyé l’armée fédérale au Tigré le 4 novembre 2020 pour les en chasser. Les forces fédérales avaient rapidement pris le contrôle de la majeure partie de la région, dont Makalé. Mais en juin, le TPLF a repris l’essentiel du Tigré puis a poursuivi son offensive dans les régions voisines Amhara et Afar.
L’ONU craint « une escalade du conflit »
Depuis environ deux semaines, des sources rapportaient les signes d’une offensive d’Addis-Abeba susceptible de constituer une nouvelle phase de ce conflit qui a plongé des centaines de milliers de personnes dans la famine, selon l’ONU.
« Une frappe aérienne [touche] maintenant Makalé », a déclaré à l’AFP, par SMS, un responsable humanitaire s’exprimant sous couvert d’anonymat. Ces attaques ont été confirmées par une deuxième source humanitaire et deux diplomates. La première frappe a eu lieu dans la matinée à la périphérie de la ville, près d’une usine de ciment, ont indiqué ces sources. La deuxième s’est déroulée en milieu de journée dans le centre-ville, près de l’hôtel Planet – par le passé souvent utilisé par les responsables du TPLF.
Hayelom Kebede, un responsable de l’hôpital Ayder, principal établissement de santé de la ville, a fait état de « trois morts », selon un premier bilan, et de l’afflux de « nombreuses victimes ». Getachew Reda, porte-parole du TPLF, a déclaré sur Twitter que les forces fédérales avaient visé « des civils à l’intérieur et à l’extérieur de Makalé ». « Le lundi est jour de marché à Makalé et l’intention est claire », a-t-il écrit. Le directeur du service de communication du gouvernement, Legesse Tulu, avait plus tôt démenti ces informations. « Il n’y a aucune raison ou projet de viser des civils à Makalé, qui fait partie de l’Ethiopie et où vivent nos propres citoyens. C’est un mensonge total », avait-il déclaré.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « profondément inquiet d’une escalade du conflit » par la voix de son porte-parole, Stéphane Dujarric. Il a appelé toutes les parties à éviter de cibler des civils et a réitéré son appel à l’arrêt des hostilités. Le département d’Etat américain, par la voix de son porte-parole Ned Price, a appelé « toutes les parties à cesser immédiatement les hostilités » et « à entrer en négociations sans conditions pour un cessez-le-feu stable ».
Des dizaines de milliers de déplacés
Le ministère éthiopien des affaires étrangères a accusé dans un communiqué le TPLF de tenter de camoufler des attaques supposées de civils dans les régions voisines Amhara et Afar. « Le TPLF a crié au loup au cours de la semaine passée, appelant la communauté internationale à le sauver de l’attaque “planifiée” du gouvernement », selon lui. M. Legesse a affirmé que le TPLF avait utilisé des armes lourdes ces derniers jours à Wuchale, une localité amhara. « Ils ont attaqué à l’artillerie. Ils ont tué plus de 30 civils là-bas et en ont déplacé beaucoup d’autres », a-t-il dit, ajoutant que Chifra, une localité afar, avait également été touchée.
La semaine dernière, les combats ont repris en Afar. Et lundi, le TPLF semblait avancer vers la ville amhara de Dessie, où des dizaines de milliers de personnes se sont réfugiées depuis juillet. Un résident de Dessie a déclaré à l’AFP que la ville était « submergée » par les déplacés en provenance de Wuchale, plus au nord. Au cours du week-end, M. Getachew a affirmé que les forces rebelles avaient pris Wuchale ainsi que des zones alentours, ce qu’un responsable militaire de l’Amhara a nié lundi auprès de l’AFP. Le porte-parole a réaffirmé que les troupes du TPLF marcheraient si nécessaire jusqu’à Addis-Abeba. « Si c’est ce qu’il faut faire pour briser le siège du Tigré, pourquoi pas ? », a-t-il dit à l’AFP dans un SMS.
Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée