Après l’annulation de la réunion du comité de suivi de l’application de l’accord de paix, à la demande du gouvernement malien, les ex-rebelles ne décolèrent pas et conditionnent désormais leur participation à la tenue d’une réunion avec le gouvernement. Un casse-tête pour la médiation internationale.
Ce qui aurait dû être le signe d’un progrès notable dans l’application de l’accord de paix s’est finalement transformé en obstacle. Pour montrer que le processus de paix avance au Mali, les membres du comité de suivi de l’accord de paix (CSA) avaient pour la première fois prévu de délocaliser leurs travaux mensuels le 17 septembre dans le nord, à Kidal.
Mais à la veille de la rencontre, à laquelle devaient assister le ministre algérien des Affaires étrangères Sabri Boukadoum et son homologue malien Tiébilé Dramé, le gouvernement a demandé d’annuler la rencontre et de la reprogrammer à Bamako. Motif : « des raisons d’État impératives », sans autre précision.
En réaction, la Coordination des mouvements de l’Azawad, ex-rébellion du nord, a annoncé qu’elle ne prendrait part à la réunion de Bamako que si une rencontre urgente avec le gouvernement malien dans un lieu neutre avait lieu.
« Nous ne savons pas avec qui discuter »
« Après l’annulation de la réunion du CSA à Kidal, nous demandons une réunion avec la partie gouvernementale sur un terrain neutre afin qu’on se dise nos vérités et pour décider s’il faut continuer avec cet accord de paix, ou s’il convient de le déclarer caduc », affirme Almou Ag Mohamed, cadre du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Et d’ajouter : « Nous constatons aussi les agissements de certains pays médiateurs, qui sortent de leur cadre de neutralité ».
Pour la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la réunion demandée peut être tenue « en Algérie ou dans un autre État non membre de la Cedeao », et doit avoir lieu avant toute autre rencontre dans le cadre de l’accord de paix. « Le problème est que nous ne savons même pas avec qui discuter. Tantôt c’est le ministre de la Réconciliation nationale, Lassine Bouaré, tantôt le gouvernement nous envoie Tiébilé Dramé, ministre des Affaires étrangères, donc nous avons l’impression d’un désordre total », déplore Sidi Brahim Ould Sidati, président en exercice de la CMA.
« Les combattants du MOC livrés à eux-mêmes »
Plus grave encore, la CMA accuse le gouvernement malien de négligence dans la gestion des combattants du MOC, le mécanisme opérationnel de coordination, chargé de sécuriser les autorités dans le nord, et qui ont été intégrés à l’armée malienne. « Nous avons l’impression qu’il y a un laxisme dans les actes du gouvernement. Après leur formation militaire, les combattants du MOC ont été livrés à eux-mêmes, malgré la menace sécuritaire qui pèse à leur encontre. Aujourd’hui, certains sont perdus, d’autres sont otages des groupes armés », dit Sidi Brahim Ould Sidati.
En effet, après la fin de leur formation il y a deux semaines, certains combattants du MOC avaient pris une permission pour saluer leur famille. Mais sur les routes menant au nord du pays, plusieurs d’entre eux ont été pris pour cible par des hommes armés non identifiés. Une vingtaine de ces nouveaux soldats maliens manquent toujours à l’appel.
Des obstacles « non négligeables »
Dans une lettre adressée à ses collègues, et dont Jeune Afrique a obtenu copie, le président du CSA, l’Algérien Ahmed Boutache, se montre pessimiste. « Devant ces sérieux développements, signes avant-coureur d’obstacles non négligeables qui viendront, dans un avenir non lointain, affaiblir le processus de mise en œuvre de l’accord qui, au lieu d’être accéléré comme ne cesse de le réclamer la communauté internationale, risque de connaître encore davantage de retard », écrit-il.
Contacté par Jeune Afrique, le ministre malien de la Réconciliation nationale, Lassine Bouaré, joue la carte de l’apaisement. « Nous travaillons pour débloquer la situation, mais pour nous, il est encore prématuré de dire que nous devons aller parler dans un lieu neutre »
Pour l’heure, tous les leaders de la Coordination du mouvement de l’Azawad se sont retirés dans la ville de Kidal, le fief de la rébellion, en attendant une suite à leur requête. Pourtant, le calendrier presse : le gouvernement malien et la médiation internationale ont besoin que le CSA se réunisse avant le 24 septembre prochain, date de l’ouverture du débat à l’assemblée générale des Nations Unies, afin de rassurer les États membres de l’ONU du progrès de la crise malienne.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée