Depuis la fermeture des frontières, des Marocains, coincés à l’étranger et à bout de solutions, ont recours à des avions privés pour rentrer au pays.
Face à la propagation du variant Omicron et suivant le principe de précaution de sa stratégie anti-Covid, le Maroc a suspendu toutes les liaisons aériennes depuis et vers le royaume le 29 novembre dernier et ce, jusqu’au 31 janvier au moins.
Résultat : des milliers de Marocains se sont retrouvés bloqués, pris au piège de cette fermeture subite des frontières.
Mais si, depuis novembre, des dizaines de vols spéciaux, de rapatriement, sont partis du Maroc en direction de plusieurs pays, notamment européens, rien n’est prévu dans l’autre sens. Près de 6 000 Marocains sont toujours bloqués à l’étranger, aux quatre coins de la planète.
Ce qui donne lieu à des situations surréalistes, voire dramatiques, pour des familles qui se retrouvent séparées, pour des touristes ou des travailleurs en déplacement démunis et à bout de ressources, ou encore pour ceux qui voudraient se rendre au chevet d’un parent malade au Maroc.
COÛT D’UN VOL PRIVÉ MALAGA-TANGER : À PARTIR DE 1 300 EUROS PAR PASSAGER
C’est le cas de Soumaya, venue pour une mission professionnelle en France en novembre, et qui, depuis, ne peut plus quitter l’Hexagone. Entre-temps, sa mère a été victime d’un accident vasculaire cérébral.
Forte demande
La jeune femme contacte le consulat du Maroc à Paris, tente de trouver un autre itinéraire pour se rendre à Rabat, en passant par les Émirats arabes unis, le Portugal ou la Turquie.
C’est au cours de l’une de ses nombreuses démarches, qu’un beau jour, une employée de compagnie aérienne, touchée par son désarroi, lui suggère une piste à laquelle elle n’avait jamais pensé : rentrer en jet privé.
« Les vols privés ne sont pas soumis aux mêmes conditions que les vols commerciaux, qui, eux, sont interdits de manière stricte », lui lance-t-elle, sur le ton de la confidence.
NOUS NE POUVONS PAS RÉPONDRE À TOUTES LES REQUÊTES CAR NOUS AVONS UN CAHIER DES CHARGES ASSEZ PRÉCIS
« C’est vrai, c’est assez cher. Mais si vous vous y mettez à plusieurs, vous pouvez arriver à négocier des vols à des prix relativement accessibles. Un vol privé Malaga-Tanger, par exemple, peut s’organiser à partir de 1 300 euros par passager. »
Une information confirmée par le directeur d’une société marocaine de jets privés : « Nous faisons face à une très forte demande de vols privés, émanant de particuliers ou de groupes de personnes qui se rencontrent via WhatsApp ou Facebook, et qui ne font pas partie de notre clientèle habituelle. Les motifs ne sont pas les mêmes pour tous, et nous ne pouvons pas répondre à toutes les requêtes car nous avons un cahier des charges assez précis pour pouvoir obtenir une autorisation spéciale. »
Schéma vaccinal complet
Sur l’un des nombreux groupes aux noms plus ou moins explicites (« Rapatrier vers le Maroc », « Marocains bloqués en France/en Espagne », « Partages et voyages ») et à côté des spéculations portant sur la date d’ouverture des frontières marocaines, on trouve des annonces de ce type : « Vous pouvez vous inscrire pour un retour en vol privé (charter) qui sera organisé pour un premier groupe de 170 au départ de l’Espagne vers le Maroc. Celles et ceux qui souhaitent intégrer ce vol sont priés de retourner par message privé les informations suivantes : nom, prénom, date de naissance, numéro de carte d’identité nationale ou de séjour, adresse au Maroc et à l’étranger, numéros de téléphone, statut vaccinal… »
JE N’AVAIS PAS L’ARGENT, MAIS J’AI FAIT JOUER LA SOLIDARITÉ FAMILIALE
Concrètement, comment s’organise le voyage ? « Soit les organisateurs louent les appareils et arrivent à obtenir les autorisations nécessaires, après présentation des passeports des voyageurs trois jours avant le vol. Soit ils font appel à des compagnies de jets qui se chargent, elles, de toutes les démarches. Chaque voyageur paie entre 1 300 euros et 20 000 euros pour un vol, et doit présenter un schéma vaccinal à jour afin d’être pris en compte dans le permis de voyage exceptionnel délivré par le ministère des Affaires étrangères », explique un opérateur touristique.
Soumaya est inscrite sur l’une de ces listes et attend la confirmation de sa date de départ. « Je n’avais pas l’argent, mais j’ai fait jouer la solidarité familiale et j’ai mis à contribution toutes mes connaissances pour réunir la somme. Je veux absolument rentrer à Rabat voir ma mère, avant qu’il ne soit trop tard. »
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée