Plus que le bilan des 30 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, c’est un nouveau sillon que doit creuser l’ Observatoire national des droits de l’enfant.
Ce sont quelque 3 000 participants qui ont assisté au Congrès national des droits de l’enfant qui a commencé le 20 et qui se prolonge jusqu’au 23 novembre à Marrakech. Au-delà des principaux intéressés, c’est-à-dire les enfants, pour qui il faut préparer le monde de demain, l’importance de cette manifestation a été mise en exergue par le haut patronage du roi Mohammed VI et la présidence effective de la princesse Lalla Meryem. Il faut dire que les personnes et structures visées à des fins de sensibilisation et d’information pour l’action sont diverses. Pouvoirs publics, représentants des organisations multilatérales, membres de la société civile et du secteur privé sont autant de partenaires et intervenants qui ont été appelés à être aussi attentifs que les 395 jeunes parlementaires qui ont célébré du 20 au 22 novembre, les 20 ans du Parlement de l’enfant.
Faire un bilan
À la manœuvre, il y a l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE), dont l’objectif pluriel exprime la manière dont la question de l’enfant est désormais prise en compte dans toutes ses dimensions dans un pays où l’heure est à la réflexion autour d’un nouveau modèle de développement. C’est donc à Marrakech, ville rouge, mais aussi métropole ouverte à toutes les réflexions du monde actuel, que l’ONDE a choisi de tenir cette 16e édition du Congrès national des droits de l’enfant et de fêter le 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Concevoir un plaidoyer pour l’enfant
Au-delà du bilan, il s’agit maintenant de poser le cadre qui va favoriser le meilleur des plaidoyers en faveur de l’enfant. Dans cette logique, l’idée principale est de mettre l’enfant au cœur d’une dynamique renouvelée qui fédère le maximum d’énergies pour des actions à haute portée locale au Maroc et international, au niveau africain. Un clin d’œil à la coopération Sud-Sud ainsi qu’à la dynamique d’intégration africaine mise en orbite dans le sillage de la Zleca. De quoi faire émerger un enfant africain bien en phase avec son temps et avec les nouveaux idéaux d’un continent désormais perçu comme la nouvelle frontière. Voilà donc qui va être cohérent avec la prise de conscience qu’avec le dessein de faire de l’enfant une priorité, le Maroc et l’Afriqueferont face, dans les meilleures conditions, aux défis qui les attendent dans ce XXIe siècle.
Passer à l’action
À Marrakech, de l’avis de tous les participants, il s’est agi de tout faire pour aller au-delà des mots et des discours. En somme, poser des actes concrets adossés à des stratégies bien élaborées. Considéré comme la première des ressources, l’enfant devra être un acteur de premier plan pour que le développement ,que les autorités et les populations appellent de tous leurs vœux, soit le plus inclusif possible. L’enjeu en est économique bien sûr, mais il est aussi politique et même culturel. C’est pour cela que les engagements auxquels vont aboutir les discussions sur tous les thèmes abordés pendant ce Congrès vont être considérés comme des points essentiels de la feuille de route qui en est attendue. Celle-ci sera intégrée dans les différentes réflexions menées ici ou là, pour une meilleure optimisation des ressources du pays dans leur acception la plus large et la plus complète : matérielle comme immatérielle, économique comme politique, culturelle comme sociale. Voilà qui justifie à bien des égards que des enfants soient venus des quatre coins du Maroc pour assister à l’élaboration des fondations d’un monde qui sera le leur quand à leur tour ils auront des enfants.
Travailler à juguler les menaces
Cela est important à retenir car ce dont il faut bien prendre conscience, c’est le niveau élevé des risques encourus par les enfants. Observons-les d’abord dans leur premier endroit de socialisation : l’école. Là se nouent tous les apprentissages, ceux autour du savoir, mais aussi du rapport à l’autre hors cadre familial. Pour se convaincre de sa dimension fondamentale, il convient de voir combien cette étape est organisée et réglementée dans les pays dits développés. L’explication vient de ce qu’elle participe de la qualité de la construction mentale des individus, de leur construction civile, civique, économique et bien sûr politique. C’est comme qui dirait de la mise en place d’un édifice de maturité. L’oisiveté est mère des vices, dit-on. Et l’un des premiers qui en ouvrent la porte, c’est le désœuvrement. Celui-ci guette au tournant de toutes les insuffisances : celle de l’école bien sûr, mais aussi de l’État, de l’entreprise, de la société. Il s’agit d’anticiper les risques de délinquance en tétanisant les fabriques de précarité, d’exclusion sociale et de chômage qui nourrissent les dynamiques de radicalisation, les migrations clandestines et de nombreux trafics de marchandises et même quelquefois d’hommes. Pour les filles, les risques sont encore plus importants puisqu’en plus de tout ce peuvent encourir les garçons, elles sont menacées par la déscolarisation et le mariage précoce. Au Maroc, cette réalité se traduit par des chiffres cruels donnés par le Conseil national des droits de l’homme. En 2018 par exemple, plus de 40 000 filles ont été touchées par les mariages précoces, a-t-il estimé.
Plus que jamais, il est important de construire une forte confiance autour des hommes, des femmes et des institutions. C’est l’un des chemins les plus sûrs pour permettre aux enfants d’adhérer et de croire aux valeurs de justice sociale, d’équité, du vivre-ensemble, de la démocratie et plus directement de se permettre d’avoir des rêves.
Rendre le rêve possible
On se rappelle tous cette phrase de Martin Luther King : « I have a dream… » Quand on voit le résultat et tous les changements opérés dans la politique et dans la société américaine malgré encore quelques résidus de l’ancien temps, on ne peut qu’encourager toute initiative qui donne aux enfants l’espoir et la capacité de se projeter dans l’Afrique de demain.
Interrogées par nos confrères de l’Agence France-Presse, des jeunes Marocaines ont fait part de leur espoir et de leur rêve. Ceux-ci sont économiques, sociaux, culturels, politiques ; aucun domaine n’est laissé de côté.
D’abord, Meryem, 17 ans, qui se rêve en future diplomate. Faisant écho aux estimations pour 2018 du Conseil national des droits de l’homme, cette jeune Marocaine indique que « le plus important, c’est d’aider les filles à ne pas abandonner leurs études ». Et d’ajouter : « Je veux lutter contre le mariage précoce. J’aimerais les aider et les encourager à faire de la politique pour prendre les décisions. » Et maintenant Rihab. Du haut de ses 16 ans, elle veut sauver le monde en devenant médecin et pas n’importe quel médecin. « Dans trente ans, je me vois en médecin célèbre qui va recevoir un prix Nobel, pourquoi pas ? » Et de poursuivre avec son vœu le plus cher : « Un monde sans maladie, qui ignore le mot cancer, le sida, la cirrhose et toutes les autres maladies, même celles que l’on ne connaît pas encore. »
Vient le tour de Yasmina, 14 ans. Elle aussi veut être médecin, mais dans un monde où « la médecine serait gratuite pour tout le monde ». Autre fille, autre vision : Fatima Zarha, 16 ans. Originaire de Tétouan, au nord du Maroc, en plein Rif, cette lycéenne est sur une autre note, plus sociale, plus politique. Elle « rêve de bâtir un monde qui respecte la vie et qui accepte la différence, un monde d’amour et de paix ». Côté métier, elle veut devenir neurochirurgienne. « Pour dessiner un sourire sur le visage d’un enfant atteint d’une maladie. » Fait extraordinaire : même avant l’adolescence, les rêves bourgeonnent. Par exemple Aya, 11 ans, originaire de Ouezzane, une bourgade là aussi dans le nord du Maroc. Si « à la maison, il faut de l’amour et de la tendresse, à l’extérieur, il faut que l’État prévoie des terrains de sports, des maisons de jeunes. Pour que les enfants puissent exercer leurs talents sportifs artistiques et culturels ».
À écouter ces jeunes filles, il n’est pas interdit de se dire que les réflexions pour concevoir un nouveau modèle de développement devraient intégrer les points de vue et idées des enfants. Ceux-ci sont frappés du bon sens de ceux qui, quelquefois, assistent médusés à ce que les adultes font de leur environnement. Et si ceux-ci se rappelaient que ce sont justement les enfants qui le leur ont prêté. De quoi poser un autre regard sur le lâcher de ballons des enfants dans le ciel de Marrakech ce 20 novembre.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée