Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé, en juin, 245 millions de dollars à la Tunisie dans le cadre de son programme quinquennal (2016-2020) de Facilité élargie de crédit (FEC). Dans le compte-rendu de son 5e examen de la FEC, publié ce 18 juillet, l’institution internationale distribue ses bons et mauvais points.
« Bien mais doit mieux faire ». Après avoir réussi son examen de passage et reçu les 245 millions de dollars de récompense, l’élève Tunisie peut depuis ce 18 juillet se pencher sur son bulletin scolaire de 97 pages et les commentaires n’incitent pas au relâchement. Le FMI se base sur deux principaux indices d’évaluation pour accepter ou non de verser les prêts dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC) : des critères de performances quantitatives (CPQ) et l’application ou non des réformes structurelles (RS).
Concernant les CPQ, le FMI salue les nombreuses réformes entamées. Ainsi, les argentiers citent en exemple la hausse de 10 % des tarifs de gaz et d’électricité pour les gros consommateurs. Ils louent également la politique de réduction du nombre de fonctionnaires avec la limitation à 3 000 embauches entre 2018 et 2019 et le départ à la retraite anticipée de 6 600 agents. Le FMI rappelle, cependant, que la part des salaires de la fonction publique dans le PIB demeure l’une des plus importantes du monde, à hauteur 15,2 % du PIB en 2018.
Des réformes sociales validées
Afin de juguler l’inflation, les augmentations successives du taux directeur de la Banque centrale de 275 points de base depuis mars 2018 sont également mis au crédit du pays. Le Fonds note ainsi que la hausse des prix se stabilise autour de 6,9 %, après avoir atteint 8,8 % en décembre 2018.
Conscient que la stabilité sociale est aussi primordiale que les données macroéconomiques pour ne pas voir le pays s’enfoncer dans la crise, le FMI approuve la loi « Amen Social ». Votée en mars pour la promotion des catégories pauvres et à revenus limités, le texte assure des critères équitables pour bénéficier des programmes d’assistance sociale. Ce sont ces réformes qui ont convaincu le bailleur international d’accorder le crédit à la Tunisie.
Néanmoins, la Tunisie a échoué à valider deux CPQ qui concernent les avoirs nets intérieurs et les réserves nettes en devises. Dans le premier cas, le FMI pointe du doigt la BCT qui a systématiquement accepté de refinancer les banques commerciales en puisant dans ses réserves. Dans le second, les investisseurs internationaux ont boudé la Tunisie plus que prévu. À noter toutefois que la récente sortie sur les marchés internationaux, qui a permis de récolter 700 millions d’euros, rétablit en partie l’équilibre concernant les avoirs en devises.
Un contrat de performance réclamé pour Tunisair
Concernant les réformes structurelles sur lesquelles le pays s’était engagé (« structural benchmark »), le bilan est moins positif. Sept d’entre elles n’ont pas été mises en œuvre ou alors avec retard. Le FMI déplore notamment le retard dans le vote d’une loi (prévue pour septembre prochain) pour libéraliser les plafonds de taux d’intérêt imposés au secteur bancaire et faciliter ainsi l’accès au crédit de certaines PME, jugées trop risquées dans les conditions actuelles de prêt.
L’institution financière internationale relève aussi le non-passage de la TVA de 13 à 19 % pour les professions libérales ou encore le manque de mécanisme automatique et progressif de hausse du prix des carburants. Ces deux dernières mesures, très coûteuses électoralement, n’ont a priori aucune chance de voir le jour avant les élections législatives et présidentielle prévues d’octobre à décembre.
Le FMI se penche aussi sur deux dossiers emblématiques du pays :ceux de Tunisair et de la Banque franco-tunisienne (BFT). Si les experts apprécient la mise en place par l’État d’une commission de résolution – comme ils l’avaient demandé lors de la 4e revue d’examen – chargée de trouver une solution à l’épineux dossier de la BFT, ils réclament en revanche plus de diligence et de vigilance dans la remise à flot de la compagnie aérienne nationale, notamment via la mise en place d’un contrat de performances.
« Bien qu’en progression entre 2017 et 2018, la croissance [de 2,6 % en 2018] reste modérée et les vulnérabilités macroéconomiques demeurent élevées, mais les efforts politiques commencent à porter leurs fruits. (…) Au regard de l’environnement socio-politique difficile et des pressions extérieures, les résultats du programme depuis le 4e examen restent mitigés », résume David Lipton, premier directeur général adjoint au FMI. Les prochains dirigeants tunisiens sont prévenus.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée