En prônant l’allègement de la dette du G20 lors du récent sommet du G5 Sahel en Mauritanie, la France a confirmé ses convictions multilatérales…
Lorsque le président français Emmanuel Macron s’est rendu hors d’Europe pour la première fois depuis la fin du confinement imposé par la pandémie Covid-19, il a choisi de se rendre en Mauritanie pour le sommet du G5 Sahel. La région du Sahel en Afrique de l’Ouest et du centre est confrontée à un terrorisme persistant et à des menaces sécuritaires qui ont des implications internationales. Toutefois, en écoutant attentivement le premier discours du président Macron à Nouakchott, il est devenu évident qu’il profitait également de cette visite pour promouvoir une initiative d’allègement de la dette souveraine mise en place en avril lors des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. Le G20 avait alors convenu de suspendre pendant huit mois le service de la dette des pays à faible revenu afin de leur permettre de réorienter les fonds aux coûts sanitaires et économiques de la pandémie Covid-19. La Mauritanie sera bénéficiaire de cette initiative.
Comme on l’a pu constater lors de la réunion étape du G20 de ce week-end, la France continue de jouer un rôle central dans le soutien de la suspension du service de la dette pour les pays les plus pauvres du monde, principalement en Afrique. Ce faisant, elle a fait une franche poussée en faveur du multilatéralisme dans un contexte de tensions géopolitiques entre les superpuissances, d’isolationnisme de plus en plus enraciné des États-Unis, de répercussions de Brexit et de critiques croissantes à l’égard de la gestion par la Chine de l’épidémie de coronavirus. Le message est clair : le monde sera confronté au surendettement à cause de COVID-19 et le monde devrait travailler ensemble pour trouver des solutions. Au cœur des efforts d’allègement de la dette se trouve le Trésor français, qui accueille le Club de Paris, un forum de négociation ad hoc de 22 gouvernements créanciers. Le secrétariat du Club de Paris coordonne la mise en œuvre de la suspension du service de la dette avec les participants du G20.
Il ne fait aucun doute que de nombreux pays africains seront confrontés à un grave problème d’endettement en 2020. Déjà à la fin de 2019, la fin du cycle de financement de la dette avait été atteinte. Les pays emprunteurs avaient profité des prix élevés des matières premières, d’un environnement à faible inflation et d’un excès d’épargne sur les marchés développés à la recherche d’investissements à haut rendement. L’arrivée de COVID-19 au début de 2020 a épuisé les budgets nationaux et entravé les nouveaux financements, révélant les vulnérabilités du service de la dette dans plusieurs pays. Dans un tel contexte, l’initiative du G20 n’est pas considérée comme une panacée. La suspension du paiement de la dette permettra aux pays présentant des déficits primaires croissants de financer la prévention et le traitement par COVID-19. Elle contribuera à stimuler l’activité économique. Mais l’impact réel de l’initiative du G20 est le fait d’ouvrir la voie à un multilatéralisme renforcé dans un monde de désengagement politique croissant.
À la base de l’initiative du G20 se trouve un examen complet des dettes souveraines des pays, y compris les dettes envers la Chine. Il existe très peu d’informations sur les conditions des prêts bilatéraux et commerciaux chinois et la Chine n’est pas membre du Système de notification des pays créanciers de l’OCDE. En faisant de la transparence sur la dette la clé du succès de l’initiative du G20, un cadre multilatéral a été créé pour examiner plus en détail la composition et les risques des dettes souveraines. L’initiative sert également à préparer le terrain pour un partage plus équitable des coûts de l’allégement de la dette entre tous les groupes de créanciers. C’est encore plus important si l’on considère le rôle crucial de la Chine dans le financement souverain aujourd’hui et la difficulté d’évaluer l’allègement de la dette qu’elle pourrait fournir. Par exemple, comment convaincre des créanciers privés hésitants, une autre source capitale de devises fortes, de participer à des restructurations de dettes souveraines s’ils craignent que leurs efforts ne subventionnent les recouvrements de dettes de la Chine ?
En prônant l’allègement de la dette du G20 lors du récent sommet du G5 Sahel en Mauritanie, la France a confirmé ses convictions multilatérales. Les pays peuvent collaborer pour traiter collectivement les questions de sécurité et de terrorisme ainsi que pour trouver des solutions meilleures et plus durables pour la viabilité de la dette souveraine. En renforçant le rôle du Club de Paris, la France donne un nouveau souffle au multilatéralisme à un moment crucial.
(*) Andrew Roche a plus de 20 ans d’expérience dans le conseil aux pays en matière de restructurations des dettes du Club de Paris, du Club de Londres et des dettes commerciales, y compris les opérations parrainées par la Banque mondiale. Il fait partie du consortium Franklin-Finexem, qui fournit des services de conseil juridique et financier aux pays débiteurs dans le cadre de l’initiative d’allègement de la dette du G20.
Source :La Tribune Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée