Le président du Mozambique Filipe Nyusi a été rattrapé jeudi par le scandale de la dette cachée qui a précipité son pays dans une grave crise financière, accusé à son tour d’avoir touché d’importants pots-de-vin dans cette affaire.
Réélu le mois dernier, Filipe Nyusi a été mis en cause par le principal accusé de cette affaire, l’homme d’affaires libanais Jean Boustani, jugé depuis la mi-octobre à New York. Jean Boustani a identifié mercredi à la barre d’un tribunal le président mozambicain dans une liste codée de bénéficiaires présumés de commissions occultes, selon un compte-rendu d’audience du Centre pour l’intégrité publique (CIP), une ONG mozambicaine. « NUY, c’est le président du Mozambique, Filipe Jacinto Nyusi », a-t-il affirmé. « Nous lui avons payé un million de dollars comme contribution à sa campagne électorale » de 2014.
La justice américaine accuse Jean Boustani d’avoir versé des dizaines de millions de dollars à de hauts responsables du régime de Maputo pour obtenir, en 2013 et 2014, des contrats de livraison de navires de pêche et de patrouilleurs militaires. Le Mozambique a financé ces achats par un prêt de 2 milliards de dollars qu’il a délibérément caché à son Parlement et à ses partenaires financiers étrangers.
La révélation de ces opérations en 2016 a plongé le pays dans la tourmente. Le Fonds monétaire international (FMI) s’en est retiré, la devise locale s’est effondrée et Maputo a fait défaut sur sa dette. Saisie sur plainte d’investisseurs américains, la justice fédérale a inculpé plusieurs banquiers, Jean Boustani et l’ex-ministre des Finances mozambicain Manuel Chang, détenu depuis un an en Afrique du Sudoù il attend son extradition.
Une vingtaine de personnes inculpées
La justice mozambicaine a depuis inculpé une vingtaine de personnes dans ce dossier, dont le fils de l’ancien président Armando Guebuza. Ministre de la Défense à l’époque des faits, son successeur Filipe Nyusi n’avait jusque-là jamais été nommément mis en cause. Les déclarations de Jean Boustani ont fait l’effet d’une bombe au Mozambique. « Si c’est confirmé, il (le chef de l’État) doit se mettre à la disposition de justice », a déclaré Antonio Muchanga, un député du principal parti d’opposition, la Renamo.
« Nous exigeons que le président démissionne dans les trois jours », a renchéri un responsable du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM, opposition), Augusto Pelembe. « Le pays ne peut pas être dirigé par un gangster pendant cinq ans ».
De son côté, le parti au pouvoir, le Frelimo, a platement démenti l’implication du chef de l’État. Il « reste calme et suit les événements », a assuré un porte-parole du parti, Caifadine Manasse, à l’agence de presse nationale AIM. « Il n’a rien à voir avec la dette », a-t-il insisté.
Le Frelimo, au pouvoir depuis 1975, a remporté les élections générales du 15 octobre et Filipe Nyusi a été réélu pour cinq ans. Mais la société civile locale et des observateurs étrangers ont dénoncé de nombreuses « irrégularités ».
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée